La nuit tombe sur l’Assemblée nationale, jeudi 3 novembre, quand Yaël Braun-Pivet rejoint le « petit hôtel », à gauche du prestigieux hôtel de Lassay. A quelques mètres de là, la salle des Quatre-Colonnes est encore agitée par la scène qui vient de se dérouler dans l’hémicycle, l’interjection raciste du député du Rassemblement national (RN), Grégoire de Fournas – « Qu’il retourne en Afrique ! ». Devant ses proches, la présidente de l’Assemblée se dit « choquée » par ces propos « violents », « glaçants ».
Mme Braun-Pivet avait pourtant rappelé à l’ordre, le 11 octobre, une députée de la majorité qui évoquait « l’ADN xénophobe » du RN. Mais son rôle, pense-t-elle, l’oblige à se contenir. Elle refuse plusieurs interventions médiatiques et s’en remet à l’institution en renvoyant la décision d’une sanction à un vote du bureau. La procédure prévue par le règlement. Car, depuis l’élection des 89 députés RN, l’extrême droite s’est installée dans les murs de la République. Et le camp d’Emmanuel Macron, comme les autres oppositions, ne sait plus trop comment, ni avec quelle intensité lui répondre.
Cette fois, pourtant, l’onde s’est propagée jusqu’à l’Elysée. Dans la nuit, l’entourage du chef de l’Etat a fait savoir qu’il était « heurté par ces mots » et qu’il soutient le député La France insoumise (LFI) Carlos Martens Bilongo. Vendredi 4 novembre, le parti Renaissance publie une pétition qui réclame la démission du député RN de la Gironde. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin annonce qu’il la signera et dénonce, au micro de BFM-TV, ce propos « raciste et inhumain ». Quelques heures plus tard, la véritable sanction est votée à l’Assemblée : Grégoire de Fournas a interdiction de paraître au Palais-Bourbon pendant quinze jours et se voit privé de la moitié de son indemnité pendant deux mois, la sentence disciplinaire la plus lourde, prononcée une seule fois auparavant depuis 1958.
En vingt-quatre heures, la vigueur et l’unanimité des réactions à tous les étages de la Macronie ont marqué une rupture avec le flottement qui règne depuis six mois face à l’extrême droite. Comme si la majorité présidentielle avait attendu l’occasion d’une saillie intolérable pour répliquer. Au sommet du parti d’Emmanuel Macron, on confie que « la taqiya du RN », en référence à la dissimulation pratiquée par les djihadistes, devait tôt ou tard se craqueler. « Cela a eu l’effet d’un wake up call, un déclic dans la majorité », note le député Renaissance Marc Ferracci (Français de l’étranger). Le gros des troupes présidentielles se serait-il assoupi face à la stratégie de Marine Le Pen d’anesthésier ses adversaires ?
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