Michel Mercier, plus bonhomme et plus matois que jamais, se présente volontiers comme un brave élu rural, simple et de bon sens, qui se demande un peu ce qu’il fait là. « Chez moi, tout le monde me connaît, plus de la moitié de la population me tutoie, toute ma vie politique est fondée sur les relations humaines, dit l’ancien garde des sceaux. J’habite au bord de la route, les gens sonnent et ils entrent. J’aime les gens, et ils le savent. Si vous n’aimez pas les gens, il ne faut pas faire de la politique. » L’ancien ministre, ancien député, ancien sénateur, ancien président du conseil général du Rhône, accusé de détournements de fonds publics en raison des emplois soupçonnés fictifs de sa femme et de sa fille, s’efforce de paraître parfaitement serein.
Le dossier est pourtant difficile, et Michel Mercier, parfaitement aimable, répond systématiquement à côté des questions, il parle dans la barbe qu’il n’a pas, en marmonnant d’interminables généralités à voix basse. « J’ai deux prothèses auditives, explique l’ancien garde des sceaux, quand je parle, ça résonne dans ma tête. Je vais peut-être les enlever, je n’entendrai pas les questions du président, mais ce n’est pas grave. » Ce ne sera en tout cas pas très différent.
Le président de la 32e chambre, Alain Alçufrom, l’écoute pourtant avec une infinie patience, et a commencé, les 31 octobre et 2 novembre, par l’emploi de sa fille Delphine. Elle a aujourd’hui 45 ans, a été embauchée au Sénat comme assistante parlementaire de son père du 4 août 2012 au 21 avril 2014 – jusqu’à la fin du mandat de celui-ci – et a touché un peu plus de 37 000 euros pour un mi-temps, en deux ans. Une chance, parce que l’historienne d’art tirait en 2012 le diable par la queue, était inscrite au chômage et vivait à Londres. Elle reconnaît bien volontiers qu’elle n’est jamais venue au Sénat : elle faisait à distance « une veille culturelle générale » pour son père qui n’y connaissait goutte. Sur son contrat de travail, son adresse est à Paris, dans le 19e arrondissement. « Vous mentez sur votre adresse », observe le parquet. « Le contrat de travail, ce n’est pas moi qui l’ai écrit », rétorque justement l’historienne.
« Envie de parler à un magistrat »
Son père a voulu élever le débat. « En 2012, on perd les élections, je retourne au Sénat », a raconté Michel Mercier. Qui passe alors abruptement des attentats antisémites de Mohammed Merah, à Toulouse, à Qu’est-ce qu’une nation, d’Ernest Renan (1887) « et donc à la culture ». « J’ai demandé à ma fille de travailler là-dessus : comment la culture pourrait changer le public grâce aux technologies nouvelles. » Le président essaie de suivre, et le regarde avec les yeux ronds.
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