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la filière se cherche un avenir après la pandémie

la filière se cherche un avenir après la pandémie



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Au début de la pandémie, des entrepreneurs s’étaient lancés dans la production de masques en France. Mais, aujourd’hui, ils doivent faire face à la chute drastique de la demande et au retour des importations chinoises.

Le blues des masques « made in France ». Deux ans après avoir été relancée en grande pompe, la filière tricolore des masques connaît un sérieux coup de frein. Pour répondre à la demande exponentielle au moment où le virus se propageait sur le territoire français, des entrepreneurs s’étaient embarqués dans l’aventure, motivés par un discours volontariste de l’Etat. En 2021, on comptait une trentaine de producteurs, pouvant produire jusqu’à 100 millions de masques par semaine. Mais, depuis la levée de l’obligation du port du masque en mars dernier, les ventes ont brutalement dégringolé.

« La demande a chuté quasiment jour pour jour », lorsque Jean Castex a annoncé la fin du port du masque obligatoire, se rappelle Charlotte Zweibaum, responsable qualité et associée au sein de KB Medica. L’entreprise installée à Sartrouville, dans les Yvelines, ne compte plus qu’une ou deux machines en activité permanente, contre dix machines au plus fort de la pandémie. Les effectifs, eux, ont été divisé par quatre depuis le début de l’année, tombant à moins d’une dizaine de personnes. « Il est difficile de dire comment vont se passer les prochains mois », avance-t-elle.

Dans leurs locaux, les associés de l’entreprise francilienne ont repris leur première activité, celle de location de matériel événementiel, qui avait été stoppée net par la pandémie. Pour les masques, elle s’appuie sur la même jambe: outre les particuliers, qu’elle cible par la vente en ligne, l’entreprise conçoit des masques personnalisés pour les entreprises et les organisations. « Mais notre modèle disparaît s’il n’y a plus du tout besoin de masques », explique Charlotte Zweibaum, qui estime que le secteur devrait à terme se concentrer autour de quelques entreprises.

Importations chinoises

Lui aussi dans les Yvelines, Emmanuel Nizard a vu ses volumes drastiquement diminuer ces derniers mois. « Nous réalisons aujourd’hui 5% du chiffre d’affaires que l’on faisait pendant la crise sanitaire », note l’entrepreneur, à la tête du « Masque français » à Vélizy-Villacoublay. « On a deux choix: soit on ferme tout, soit on tente de garder un minimum de voilure », et c’est la deuxième option « que l’on essaie de tenir en ce moment », poursuit-t-il. L’entreprise a tenté, sans succès, de fournir les hôpitaux, mais n’a pas réussi à tenir le rang face aux importations chinoises.

« On a répondu à tous les appels d’offre », assure l’entrepreneur francilien, mais « les acheteurs des entités publiques ont toujours privilégié le coût ».

Franprotec, dans le Nord, a misé sur des machines plus performantes en Allemagne et en Italie, capables de produire de grosses séries de masques, pour diminuer ses coûts de production et son prix de vente en bout de chaîne. « Nous sommes très clairement déçus de la position de l’Etat, qui a promis beaucoup de choses, mais nous n’en avons jamais vu la couleur », déplore son dirigeant, Pierre Winter, qui regrette les moindres commandes publiques. Encore une fois, ce dernier pointe du doigt les massives importations asiatiques.

« Nous avons monté un outil moderne et performant et créé des emplois », mais il faut que l’Etat « tape du poing sur la table » pour qu’ils durent dans le temps, témoigne-t-il. Le jeune patron nordiste, pourtant, assure rester optimiste, estimant qu’il y a de la place pour tous les fabricants français. Pour acheter ses machines, l’entreprise a investi six millions d’euros depuis le printemps 2020 dans son usine de Tourcoing. Un lourd investissement, mais indispensable pour pouvoir se battre à armes (presque) égales avec la Chine.

« On m’a ri au nez »

En Bretagne, ces investissements ont eu raison de la « Coop des masques ». Créée sous le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC, qui associe collectivités, salariés, associations, citoyens et entreprises), la Coop des masques a été placée en redressement judiciaire treize mois seulement après le lancement de la production. Outre la baisse de la demande, la trésorerie a été plombée par un investissement de 3,5 millions d’euros pour une machine de fabrication de meltblown, le papier filtrant au cœur du masque, car elle n’a jamais été mise en production faute d’acheteurs.

Le meltblown, l’autre nerf de la guerre. Sans lui, pas de masque – le masque chirurgical classique se compose d’une couche de ce tissu filtrant entourée de deux couches de « spundbond », aux fibres plus grosses et qui sert de support. Au début de la pandémie, il n’en restait qu’un seul producteur en France: le gouvernement avait alors lancé un appel à manifestations d’intérêt (AMI) à l’intention des industriels pour encourager la reconstruction d’une filière française. Dix projets, dont la Coop des masques, avaient été sélectionnés et subventionnés à hauteur de 30% de leur investissement.

Meltblo France, en Franche-Comté, fait partie de ces dix lauréats. « J’y avais déjà réfléchi avant la crise sanitaire. Je cherchais des investisseurs, mais ça n’intéresserait personne, on m’a ri au nez », se souvient son président Nicolas Burny. Quatre millions d’euros ont été investis sur le site de Brognard, qui ont notamment été financés par des prêts bancaires personnels. Dès le départ, il s’est préparé à la fin de la pandémie. Le meltblown qu’il produit n’est pas seulement destiné aux masques, mais aussi à d’autres produits de filtration.

Vélos électriques

« Nous sommes aujourd’hui dédié à 90% au masque et, progressivement, on commence à en sortir », précise Nicolas Burny, citant le secteur automobile. L’entreprise, qui compte une dizaine de salariés, a également recruté deux ingénieurs en recherche et développement. Elle a mis au point un tissu plus léger, de 15 grammes par mètre carré, au lieu de 25 grammes pour les standards du marché. Il est vendu un peu plus cher, mais le fabricant de masque n’a pas besoin d’en acheter autant: le prix de revient, au final, est plus intéressant que le meltblown asiatique.

« L’innovation est obligatoire » pour « se démarquer de la concurrence asiatique », affirme Nicolas Burny, qui craint un « écroulement de la filière » française en raison des importations.

À Vélizy-Villacoublay, Emmanuel Nizard passe déjà à autre chose. Ses salariés, désormais, fabriquent aussi des vélos électriques. Le vélo est conçu dans ses locaux, puis il est monté après réception des pièces fabriquées ailleurs. « C’est un projet que j’avais déjà en tête auparavant, sans la capacité financière pour le faire », indique-t-il. Ses machines de fabrication de masques, elles, seront bientôt stockées dans un entrepôt. « Nous n’avons même pas essayé de les vendre », explique le patron du Masque français, car « personne n’en veut ».

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV

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