Soulagement et inquiétude pour les proches restés au pays animent le flot de Russes débarqués à Istanbul samedi pour fuir l’annonce du Kremlin d’une mobilisation partielle de ses réservistes afin de poursuivre son offensive en Ukraine.
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Depuis mercredi, quand le président Vladimir Poutine a annoncé la première mobilisation en Russie d’hommes en âge de combattre depuis la Seconde Guerre mondiale, le prix de certains billets en provenance de Moscou a été multiplié par dix.
Parmi les personnes rencontrées, transportant leurs affaires emballées à la hâte, aucune ne veut donner son nom au complet par peur de représailles de la police russe contre ceux qui sont restés au pays.
Tous décrivent une anxiété qu’ils n’avaient plus ressentie depuis les premiers jours de l’invasion par la Russie de son voisin le 24 février.
«Nous avons parlé à nos amis, et beaucoup songent à partir», dit Daria, 22 ans. «Tout le monde ne voulait pas partir en février. La décision du 21 septembre a obligé beaucoup d’entre eux à y réfléchir à nouveau.»
Son mari, Andrei, 23 ans, déclare qu’il songeait à partir depuis les premiers jours de la guerre. La mobilisation a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. «Beaucoup de gens ont décidé de partir tout de suite», dit-il.
Peur de la fermeture des frontières
L’ordre de mobilisation de Poutine vise à enrôler des centaines de milliers d’hommes après une série de revers qui semblent avoir changé le cours d’une guerre qui dure depuis sept mois.
La Turquie, l’une des principales destinations de vacances de nombreux Russes, est l’un des rares pays à proposer encore des vols en provenance de la Russie. Et il ne leur réclame pas de visa, facilitant les voyages de dernière minute.
Les vols à destination de la Turquie se sont donc arrachés dès l’annonce télévisée de M. Poutine, entraînant une flambée du prix des billets qui a rendu le voyage trop cher pour beaucoup.
Turkish Airlines a aussi commencé à utiliser de plus gros avions sur ses liaisons avec la Russie parce qu’elle ne pouvait pas immédiatement programmer davantage de vols.
«La Turquie est notre destination intermédiaire. Nous sommes ici temporairement parce qu’il y a un risque que les frontières soient fermées pour de bon», explique Daria.
Sasha, un chef d’entreprise de 48 ans, raconte connaître des personnes qui essaient de fuir, mais ne peuvent pas le faire. «Je pense que beaucoup de gens aimeraient quitter la Russie, mais il y a très peu de vols», déclare-t-il à l’AFP à l’aéroport.
Selon lui, il est difficile d’évaluer le véritable état d’esprit des Russes après l’ordre de mobilisation, car certains soutiennent toujours la guerre et sont prêts à se battre. «Il n’y a pas de consensus en Russie en ce moment. Certaines personnes soutiennent Poutine, d’autres ne le soutiennent pas.»
De plus, beaucoup ont peur de dire ce qu’ils pensent, dit-il. «Bien sûr, nous ressentons une pression. En Russie, il existe un système de surveillance faciale. Et si quelqu’un voit votre visage, il lui est très facile d’identifier qui vous êtes.»
«Cet entretien pourrait être interprété comme étant mauvais pour l’armée russe. À l’avenir, les personnes qui donnent une entrevue comme celle-ci pourraient avoir des problèmes», ajoute-t-il.
Andrei se dit, lui, particulièrement inquiet pour l’un de ses amis d’enfance. «Mon ami n’a pas pu acheter de billet, car il coûtait déjà 400 000 roubles [9424 dollars canadiens]. C’est dix fois plus cher qu’avant.»