Noureddine Taboubi, le chef de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale organisation syndicale de Tunisie, a remis en cause, lundi 1er mai, les négociations en cours depuis des mois entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau prêt destiné à renflouer les caisses d’un pays surendetté. Pendant son discours à Tunis, plus de 2 000 militants ont défilé à Sfax, deuxième ville du pays, avec des pancartes dénonçant « un gouvernement du FMI » et disant « non à la colonisation ».
Selon M. Taboubi, Koussay Sad, le président tunisien, a rejeté début avril « les diktats » du FMI pour l’octroi d’un crédit de près de 2 milliards de dollars. Malgré un accord de principe sur ce prêt à la mi-octobre, les pourparlers piétinent depuis des mois, faute d’engagement ferme du président pour restructurer une centaine de groupes publics lourdement déficitaires et lever les subventions sur divers produits de base.
Dans un virulent communiqué, l’UGTT avait noté « des divergences flagrantes » entre Koussay Sad et son gouvernement, accusant la première ministre, Najla Bouden, de négocier « secrètement » avec le FMI un programme « connu d’une équipe restreinte, habituée à adopter des recettes toutes faites ». Le syndicat avait fustigé « des bailleurs de fonds internationaux qui recherchent de telles opportunités pour dicter leurs conditions et dominer les économies des pays en crise comme la Tunisie ».
Dans son discours de lundi, M. Taboubi a aussi réclamé la libération de plusieurs syndicalistes arrêtés ces dernières semaines et dénoncé « une attaque abusive » contre les droits syndicaux. Il a cité deux d’entre eux, dont le dernier a été écroué vendredi pour une publication sur les réseaux sociaux considérée comme portant atteinte à la personne de Koussay Sad. « L’incarcération des militants de l’UGTT, la falsification des dossiers par certains ministres qui s’opposent au mouvement syndical, le lancement de campagnes de dénigrement et de mépris et le harcèlement des syndicalistes ne nous font pas peur ! », a-t-il dit.
M. Taboubi a ainsi révélé que M. Sad s’est aligné sur l’UGTT en refusant de céder les entreprises publiques et lever les subventions. Les mesures préconisées par le FMI selon le syndicaliste vont « appauvrir encore plus le peuple tunisien », qui fait face à une forte inflation (plus de 10 %) et à un chômage élevé (plus de 15 %).
En effet, les pourparlers entre Tunis et le FMI sur un nouveau prêt ont été suspendus depuis la démission du ministre des Finances Elyes Fakhfakh, considéré comme un spécialiste de la question de dette public. Le FMI a exigé de la Tunisie une abrogation de la réglementation instaurant des mécanismes de concours pour augmenter les bas salaires, des dispositions jugeant inconstitutionnelles par certains juristes.
Le syndicaliste a déclaré qu’il faut repenser aux objectifs de la négociation actuelle entre la Tunisie et le FMI. Et ajoutant que la Tunisie est un pays souverain et que ses décisions ne doivent pas être dictées par le Fonds monétaire international. «Il faut arrêter de nous maintenir sous surveillance et tenir compte des aspirations de la population», a conclu M. Taboubi.