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« En multicoque, il faut vivre avec l’idée qu’on peut chavirer »

« En multicoque, il faut vivre avec l’idée qu’on peut chavirer »


Charles Caudrelier, début août, à bord du « Maxi Edmond de Rothschild ».

Le skippeur Charles Caudrelier doit prendre, le 6 novembre à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), sur le multicoque de 32 mètres Maxi Edmond de Rothschild, le départ de sa première Route du rhum, transatlantique en solitaire à destination de la Guadeloupe.

L’accomplissement d’un rêve pour le Finistérien de 48 ans, vainqueur de nombreuses courses au large parmi lesquelles deux tours du monde en équipage, trois Transat Jacques Vabre en double et une Solitaire du Figaro.

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Que représente la Route du rhum pour vous ?

Un de mes premiers souvenirs de Route du rhum est l’édition 1990, l’année où Florence Arthaud la remporte. C’est là que je me suis dit que c’est ce que j’avais envie de faire. Certains marins rêvent du Vendée Globe, moi de la Route du rhum en multicoque. Aujourd’hui, après vingt-cinq années en tant que professionnel, je suis plutôt en fin de carrière. J’ai accepté le fait que je ne ferai peut-être pas le Vendée Globe. La Route du rhum, en revanche, c’était une réelle frustration. C’est le challenge que j’ai toujours voulu réaliser. Aujourd’hui, j’ai cette chance.

Pourquoi revenir à la course en solitaire après une décennie consacrée à la Volvo Ocean Race et à la navigation en équipage ?

Finalement, c’est l’équipage qui a été plus l’imprévu dans ma vie. La première fois que j’ai barré un bateau en course, c’était en solitaire, sur le Figaro. J’ai toujours été attiré par cet exercice où je me sens le plus à l’aise. Mais je n’avais jamais réussi à avoir de budget pour continuer. J’ai rejoint beaucoup de projets en double, c’est un peu du solitaire à mi-temps.

J’ai couru des Transat Jacques Vabre en Imoca ou en multicoque. J’ai une très forte culture d’équipage mais j’ai gardé la double casquette. J’ai par la suite été contacté par Gitana pour faire partie de l’équipe. Je voyais ces bateaux volants, et je n’osais même pas y rêver. C’est une occasion que je ne pouvais pas refuser.

Que change la solitaire, comment vous y préparez-vous ?

La solitaire ne me fait pas si peur que cela. L’anticipation doit être forte. Je connais la gestion du bateau et celle du sommeil, qui est le point-clé. Or il n’y a pas mieux qu’une Solitaire du Figaro pour apprendre à gérer le sommeil. Cette année, j’ai axé ma préparation sur le mental. J’ai notamment travaillé avec l’apnéiste Arnaud Jerald sur la récupération, la respiration, le fait de rester calme. Je suis un peu comme un pilote de formule 1, je suis là pour le sportif et on me donne accès à tout ce dont j’ai besoin pour réussir et j’en profite.

« Maxi Edmond de Rothschild », barré par Charles Caudrelier pour la Route du rhum, en mer, en juin 2020.

Quelles qualités physiques exigent une course en solitaire sur un bateau de classe Ultime et un parcours tel que la Route du rhum ?

C’est dur à dire, cela dépend de la météo. On peut très bien partir au près [un angle faible face au vent], peut-être changer une fois de voile en Manche, et après traverser l’Atlantique assez simplement. C’est la puissance du bateau pour un seul homme qu’il faut gérer mais cela fait partie du jeu. Tout seul, si je fais une erreur, il y a des choses que physiquement je ne peux pas gérer. Il ne faut pas faire la manœuvre de trop au risque de s’épuiser.

La dimension physique est certaine mais je dirais plus qu’elle est mentale et nerveuse sur nos bateaux. En multicoque, il faut vivre avec l’idée qu’on peut chavirer. Il faut gérer la haute vitesse, être malin, patient et anticiper énormément. Tu peux avoir vingt minutes d’avance sur tes concurrents, et en perdre quarante ou cinquante pour une erreur.

« A partir de 40 nœuds, tu peux avoir le sentiment de perdre le contrôle »

Comment gère-t-on la haute vitesse ?

C’est une question d’habitude. Les premiers jours sont durs et à l’arrivée cela te semble naturel. Les chiffres sur le compteur font parfois peur, mais surtout le bruit des appendices. A partir de 40 nœuds [près de 75 km/h], les appendices commencent à faire beaucoup de bruit. Tu peux avoir le sentiment de perdre le contrôle. Sur notre bateau, nous les avons optimisés, ils vibrent moins et font moins de bruit. Par conséquent, on a moins l’impression de vitesse. Le fait d’être protégé du vent dans le cockpit compte aussi. Pour comparer, je pense que tu as un peu plus peur dans une 4L à 110 km/h sur l’autoroute que dans une grosse berline à 150 km/h.

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A quoi ressemblent concrètement les échanges avec votre équipe, vos routeurs, à terre ?

Le routeur est très important, il est comme le navigateur à bord. C’est un échange permanent, il choisit la trajectoire, surtout en solitaire. Seul, si je fais du routage, je travaille moins à faire avancer le bateau. Je suis un peu stressé sur les trajectoires, il faut vraiment que j’aie confiance en mon routeur pour me concentrer sur la vitesse et la sécurité. C’est pour cela que j’ai choisi des marins que je connais depuis très longtemps.

J’aurais beau aller le plus vite, mener mon bateau du mieux possible, s’ils font une erreur je peux perdre la course. La différence est tellement faible entre les skippeurs que la victoire va aussi se jouer là-dessus. Ils font le plan et je dois le réaliser.

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Quel est votre objectif pour cette 12e édition de la Route du rhum ?

Parmi les Ultimes volants de nouvelle génération, nous ne sommes pas nombreux et nous visons tous la victoire. Une seconde place ne serait pas horrible mais ce serait un échec. J’ai la chance d’avoir un bateau assez incroyable et assez révolutionnaire. Mais l’étau se resserre. Aujourd’hui, Edmond de Rothschild est plus ancien que les multicoques de mes concurrents mais c’est encore un bateau avec un fort potentiel. Il est très fiable, je le connais sur le bout des doigts.

Un mot sur vos concurrents, quels sont les plus sérieux ?

Nous sommes quatre ou cinq Ultimes très optimisés. Banque Populaire d’Armel Le Cléac’h et SVR-Lazartigue de François Gabart ont le plus de potentiel. Sodebo de Thomas Coville a beaucoup progressé avec ses nouveaux appendices. Ce sont les trois Ultimes les plus récents, qui disposent des mêmes armes que nous avec les foils et les plans porteurs sur la dérive.

Après, il y a des bateaux plus anciens comme ceux d’Yves Le Blevec ou de Francis Joyon, l’actuel tenant du titre. Son bateau est fiable, il passe dans toutes les mers et Francis le connaît. Cela va être une très belle bagarre !

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