Combien d’Espagnols ont-ils pris le chemin de l’exil durant la guerre civile espagnole (1936-1939) et la dictature franquiste qui a suivi (1939-1975) ? On sait que près de 470 000 réfugiés ont franchi la frontière française en 1939, lors de la « Retirada », la retraite des républicains. Que des dizaines de milliers se sont entassés sur des paquebots pour l’Amérique latine à la même période. Qu’en France en 1969, les 600 000 Espagnols constituaient la première communauté étrangère. Qu’en Argentine, à Cuba, au Mexique, des dizaines de milliers d’autres ont refait définitivement leur vie après avoir aussi fui la dictature.
Mais les estimations des historiens restent imprécises devant l’ampleur de cet exode, qui, sur quatre décennies, a pu concerner entre 1,5 million et 2 millions de personnes. C’est pour honorer leur mémoire que le gouvernement espagnol a inclus, dans la nouvelle loi de mémoire démocratique votée le 5 octobre, la reconnaissance de la nationalité espagnole aux enfants ainsi qu’aux petits-enfants d’exilés.
« Ils ont tout perdu : leur travail, leurs biens, leurs amitiés, leur famille. Mais le temps a passé et ils ont eu gain de cause : l’Espagne d’aujourd’hui ressemble beaucoup à celle qu’ils ont défendue », a déclaré le ministre de la mémoire démocratique espagnol, Félix Bolaños, en visite à Montauban (Tarn-et-Garonne), le 4 novembre, pour rendre hommage au président de la République espagnole Manuel Azaña (1936-1939), mort en exil en France en 1940. « La loi de mémoire démocratique solde cette dette », a-t-il ajouté.
Depuis le décret d’application de la reconnaissance de nationalité du 27 octobre, « les personnes nées en dehors de l’Espagne, de père ou mère, de grand-mère ou grand-père qui ont perdu ou ont dû renoncer à la nationalité espagnole, après avoir dû s’exiler pour des raisons politiques, idéologiques, religieuses ou en raison de leur orientation et identité sexuelle », ont un délai de deux ans pour demander la nationalité espagnole auprès des consulats espagnols de leur pays de résidence. Les descendants des brigadistes internationaux, ces contingents de volontaires étrangers engagés aux côtés des républicains durant la guerre d’Espagne, pourront aussi y prétendre, à condition qu’ils attestent un « travail continu de diffusion de la mémoire de leurs descendants et de la défense de la démocratie en Espagne ».
La « générosité » de la loi
En 2007, la loi de mémoire historique du gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero avait déjà ouvert la possibilité, jusqu’en 2011, aux exilés et à leurs enfants d’obtenir la nationalité espagnole. Près de 490 000 demandes avaient alors été déposées – majoritairement en provenance d’Amérique latine –, mais seulement 376 000 réponses favorables avaient été apportées.
Il vous reste 46.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.