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A la maison, à la télévision ou dans la rue, il n’y en a toujours eu que pour son père, Lamad Camara, figure historique de la lutte pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Mais depuis quelques années, Aminata Traoré Camara, 64 ans, se bat pour que l’histoire se souvienne du nom de sa mère, Massaran Keïta Camara, « elle aussi héroïne nationale », précise-t-elle. A Abidjan, dans la maison familiale, la matriarche est aujourd’hui au centre de l’attention. Agée de 105 ans, elle passe ses journées assise dans un fauteuil roulant à recevoir des visiteurs au rez-de-chaussée. Et au premier étage de la villa cossue, sa fille et son petit-fils font vivre la fondation qui porte son nom et qui s’est donné pour mission, depuis sa création en 2016, de « valoriser les femmes ivoiriennes qui ont fait l’histoire ».
Pour y parvenir, la fondation a lancé en 2019 un recensement afin d’identifier celles qui ont participé en 1949, au côté de Massaran Keïta Camara, à la « marche des femmes sur Grand-Bassam », le nom officiel de cet épisode historique qui marqua la lutte contre le système colonial. Une vingtaine de dames encore en vie ont été retrouvées. Ce travail est essentiel pour les sortir de l’anonymat et pour pouvoir les « enterrer dignement le jour de leur mort, à la hauteur de leur contribution à la naissance de notre nation », dit Aminata Traoré Camara. Leurs faits d’armes, elle, la « fille de », les connaît par cœur. Mais pour que les jeunes générations n’oublient pas, la fondation vient d’éditer un livre, La Marche des dames glorieuses sur Bassam, qui reprend la chronologie des événements.
Le 6 février 1949, une trentaine de personnes sont interpellées à l’issue d’une réunion politique à Abidjan. Parmi ces hommes figurent les huit membres fondateurs – dont Lamad Camara – du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), le jeune mouvement qui fait souffler un vent anticolonial sur l’Afrique occidentale française (AOF). Tous sont envoyés dans la prison de Grand-Bassam, à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan. Très vite, les épouses des détenus, dont Massaran Keïta Camara, s’organisent pour réclamer leur libération. Mais rien n’y fait et les mois passent. Tandis que les prisonniers entament une grève de la faim, les militantes du PDCI-RDA lancent la « grève des achats » : elles se passent le mot sur les marchés et boycottent les produits importés.
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