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Ouail Laabassi est fier de sa dernière découverte : une dizaine de tombes de soldats « morts pour la France », alignées face à la mer, rongées par les ronces. « On va déposer une demande de rénovation au ministère français des armées », raconte le coordinateur de projet des Amis des cimetières de Saint-Eugène (ACSE), une association pour la sauvegarde de la plus grande nécropole européenne d’Algérie – rebaptisée à l’indépendance Bologhine, du nom du fondateur d’Alger.
La structure, qui réunit familles de rapatriés et bénévoles algériens, est déjà parvenue à convaincre le gouvernement français de financer la restauration d’un carré militaire et du monument aux morts, construits après la première guerre mondiale dans la partie juive du cimetière de Bologhine. Coût des travaux en cours : 115 000 euros. « Les sépultures militaires, c’est l’affaire de l’armée française », rappelle Ouail Laabassi.
Depuis le départ des familles de pieds-noirs en 1962, la situation des cimetières européens tourne à l’imbroglio administratif entre la France et l’Algérie. Soixante ans après l’indépendance, la question se pose toujours : à qui revient la responsabilité de préserver les 314 espaces funéraires encore existants – contre près d’un millier à l’indépendance – mais pour la plupart dans un piteux état ? Vandalisés, grignotés par des constructions illégales, jusqu’à être menacés de destruction. Comme à Aïn Milla, dans les Aurès, où les carrés juifs et chrétiens ont été rasés en 2018 par des promoteurs immobiliers à l’insu de la municipalité.
« Chaque jour, des tombes disparaissent. Il faut se dépêcher de sauver ce qu’il reste à sauver », presse Jean-Jacques Lion, président du Collectif sauvegarde cimetière Oranie (CSCO), qui intervient sur près de 200 lieux funéraires, répartis dans l’ouest algérien.
Le chantier est immense
Même à Bologhine, surnommé le Père-Lachaise de l’Afrique pour son art funéraire foisonnant et les personnalités illustres qui en ont fait leur ultime demeure, tout part en lambeaux. Passage obligé des dirigeants français lors de leur visite officielle, l’entrée et les premières allées du cimetière sont relativement bien entretenues. Mais en gravissant les marches – de moins en moins praticables –, le visiteur découvre un site de dix-huit hectares, accroché à une colline surplombée par la basilique Notre-Dame d’Afrique, qui se décompose.
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