Dans sa nostalgie d’une Europe centrale vassalisée où toute contestation était écrasée par un envoi de chars à Budapest ou Prague, le Kremlin ravage l’Ukraine depuis cinq mois sous le couvert de « dénazification » et de négation de la nation ukrainienne, usant d’une stratégie de terreur qui rase les villes, massacre et viole les civils, déplace les populations.
Entre le 24 février et le 18 juin, selon le ministère russe de la défense, plus de 1,9 million d’Ukrainiens, dont plus de 307 000 enfants [200 000 selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, début juin], auraient ainsi été transférés de force vers la Fédération de Russie, sans garantie ni contrôles extérieurs sur leurs conditions de vie et leur avenir.
Ce transfert par des couloirs d’évacuation à sens unique, vers des « camps de filtration », puis des lieux aussi retirés que Mourmansk, le Kamtchatka ou la frontière nord-coréenne, fait ressurgir le spectre des déportations perpétrées par la Russie tsariste et l’Union soviétique.
Nos inquiétudes les plus vives portent sur le sort des enfants déportés, notamment des plus vulnérables : les mineurs isolés ou placés en institution, orphelins ou non. Plus de 2 000 d’entre eux étaient enregistrés avant l’invasion dans des établissements d’accueil ukrainiens.
A ce chiffre s’ajoute un nombre inconnu d’enfants récemment rendus orphelins par l’invasion russe et d’autres qui ont été séparés de leurs parents lors de leur passage en « camps de filtration », où ces derniers sont retenus, soupçonnés d’appartenir à l’armée ou à la résistance ukrainienne. Comme le craignent les enquêteurs nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, ces mineurs risquent tous d’être adoptés par des familles russes : le 20 juillet, 108 d’entre eux, originaires de la région de Donetsk, l’ont déjà été selon le défenseur des droits ukrainiens, Dmytro Lubinets.
En effet, la Russie n’a pas ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, seul cadre légal transnational permettant les procédures d’adoption internationale. Les décrets, signés par Vladimir Poutine le 25 mai et le 11 juillet simplifiant l’obtention de la nationalité russe pour les Ukrainiens – y compris pour les enfants – facilitent même leur adoption. Ce texte est assorti d’une loi, votée le 7 juin, qui autorise la Fédération de Russie à ne plus appliquer les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.
De fait, la Fédération de Russie ne se sent nullement contrainte au respect d’un droit international humanitaire dont elle récuse le cadre. Aussi, les demandes adressées au Kremlin par les autorités ukrainiennes réclamant le retour des jeunes déportés, dépendent-elles totalement du bon vouloir de l’envahisseur, qui ne les satisfait qu’au compte-gouttes : vingt-trois seulement étaient revenus en Ukraine en juin, et quarante-quatre début juillet, selon la vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk.
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