« Une France périphérique fragile et populaire, une France des métropoles, intégrée à l’économie-monde » : la fracture énoncée, il y a huit ans, par le géographe Christophe Guilluy est aujourd’hui presque devenue un lieu commun.
A gauche, en tout cas, cette hypothèse anime les débats autour de l’analyse électorale des élections présidentielle et législatives. D’un côté, ceux qui regrettent que la gauche, tout en perçant dans les centres-villes et les banlieues, ait délaissé cette France de la « mondialisation malheureuse ». De l’autre, ceux qui réfutent une grille de lecture trop schématique et qui servirait même, estiment-ils, des adversaires politiques.
C’est le paradoxe de l’idée de cette France reléguée, abstentionniste, mais politiquement très courtisée : Marine Le Pen n’a-t-elle pas eu de cesse d’évoquer la « France des oubliés » ? Eric Zemmour, admirateur du géographe, ne s’est-il pas lui aussi placé en héraut de la « périphérie » ? Au lendemain des législatives, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) tergiverse sur les leçons à tirer, la stratégie à adopter pour élargir sa base. Personne ne conteste l’existence de territoires délaissés par les services publics, loin des grandes villes, mais les membres de la Nupes divergent sur la méthode pour les conquérir.
En son sein, les députés de circonscriptions rurales sont loin d’être majoritaires. Dans le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, Fabien Roussel se targue, avec son collègue Jean-Marc Tellier – membres du Parti communiste français (PCF), ils ont été élus députés dans le Nord et le Pas-de-Calais –, d’être l’un des rares à gauche à avoir été élu sur des terres où Marine Le Pen a enregistré la majorité des voix au second tour de la présidentielle. C’est aussi le cas de François Ruffin (La France insoumise, LFI) dans la Somme.
Côté socialiste, Philippe Brun, ancien de la campagne d’Arnaud Montebourg, a pour sa part été élu dans l’Eure, mais se sent proche du communiste et de l’« insoumis ». « Il y a une vraie convergence entre nos visions, on est élus de territoires qui se ressemblent beaucoup », dit-il.
« Enjeu de reconquête »
Le député a fait l’expérience, pendant la campagne présidentielle, des errements sur la ligne auxquels l’analyse « périphérique » peut prêter le flanc. Arnaud Montebourg avait candidaté exactement sur le créneau de la démondialisation, de la France des bourgs. Mais il tentait surtout la synthèse entre droite et gauche et, alors que sa campagne patinait, l’ancien socialiste a proposé la suspension des transferts d’argent vers les pays ne rapatriant pas leurs ressortissants. Un virage identitaire qui a précipité sa chute.
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