Même s’il n’est pas utilisé si souvent que cela, le 49.3 et sa dramaturgie sont bien rodés. Une première ministre qui monte au perchoir, une déclaration succincte, des sarcasmes sur les bancs des oppositions et une majorité debout… Mercredi, vers 17 h 30, la scène finale de la première partie du projet de loi de finances (PLF) s’est déroulée comme prévu. Avec des rôles parfaitement répartis. « En abordant le débat budgétaire, nous connaissions les difficultés face à nous. (…) Nous aurions pu, alors, renoncer à la recherche de compromis. Mais nous avons fait le choix du dialogue, a estimé Elisabeth Borne. Car si nous ne convergeons pas sur tout, nous pouvons nous rejoindre quand l’intérêt général est en cause. »
La locataire de Matignon a ensuite listé les mains tendues, les « dialogues de Bercy », ses rencontres avec les présidents de groupe et conclu que son gouvernement avait « examiné loyalement » toutes les propositions et toutes les idées. En omettant de préciser que jamais l’exécutif n’avait voulu franchir ses lignes rouges. Objectif ? Rejeter la responsabilité du 49.3 sur les oppositions. Car cette procédure, abrupte et parfois un peu théâtrale, ne se joue pas dans l’Hémicycle, mais face à l’opinion. L’enrober des bons mots peut parfois lui donner une teinte plus nuancée, une tonalité moins stridente.
La réception de la mesure par les Français sera surveillée de près dans les jours à venir. D’autant plus que ce 49.3 n’est sans doute que le premier d’une longue série. Dans le pire des cas, notamment si les débats s’éternisent au Sénat, Mme Borne sera en effet obligée d’utiliser dix fois cette procédure avant la fin de l’année (sur les deux parties du PLF et sur les deux parties du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’Assemblée, idem au Sénat et une fois lors des deux secondes lectures de ces textes à l’Assemblée). Encore loin du record établi par Michel Rocard, premier ministre de François Mitterrand (28 utilisations entre 1988 et 1991), mais la cadence serait élevée.
Un 49.3 « d’ouverture »
Conscient que ce vote bloqué n’est pas populaire dans l’opinion, l’exécutif a beaucoup réfléchi au bon moment de recourir à cet article de la Constitution. Une partie des députés, fatigués des débats sans fin, et certains ministres à Bercy, auraient aimé aller plus vite. Mais l’actualité sociale (pénurie de carburants, marche de Jean-Luc Mélenchon, dimanche 16 octobre, journée d’action interprofessionnelle, le 18 octobre) et l’attitude des oppositions, qui ont pris soin de ne pas jouer la surenchère au niveau du nombre des amendements, ont donné des arguments à Matignon et au ministère des relations avec le Parlement, qui souhaitaient laisser les discussions se dérouler au maximum. Avec quatre articles votés en une semaine, le gouvernement a considéré qu’il pouvait maintenant mettre fin à l’examen du texte, tout en ne donnant pas l’impression d’être trop brutal.
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