Ils n’ont pas les mots. L’émotion est trop forte, vertigineuse, étourdissante. Depuis quelques heures, un nouveau sentiment étreint des millions de Marocains, jeunes ou plus âgés. Comment contenir cette sensation intense ? Si ce n’est courir sans savoir pourquoi ; accélérer en scooter au milieu de la foule ; embrasser un inconnu comme s’il était son frère ; se prendre en photo avec ses parents pour immortaliser cet instant unique ; serrer la bannière rouge à l’étoile verte comme si elle était la plus précieuse des étoffes ; danser avec ses meilleurs amis à en perdre l’esprit tels des derviches infatigables. Et crier, aussi, pour se faire entendre dans tout le pays.
Samedi 10 décembre, le Maroc a terrassé le Portugal et Cristiano Ronaldo, une des légendes vivantes du foot, en quart de finale de la Coupe du monde (1-0). Cette victoire est historique : jamais, depuis la création de ce tournoi en 1930, une équipe africaine n’avait atteint le dernier carré.
Tout juste après la fin du match, le peuple de Casablanca est allé se déverser place des Nations-Unies. Des milliers de personnes, rassemblées pour célébrer leur équipe nationale, ont affiché le même sourire, lumineux. Ce soir, on a vu le cœur de « Casa » battre fort, très fort. « C’est un moment inoubliable, lance Abdelhraman Tahidi, 28 ans, le corps enveloppé dans le drapeau. Je n’aurais jamais pensé qu’on arriverait à ce stade de la compétition. C’est un rêve qui devient réalité. Pour être honnête, je n’arrive pas à y croire ». Ismaël Raouy, un commerçant de 28 ans, se dit enfin apaisé par la qualification au tour suivant : « Franchement, on se sent bien », assure-t-il.
« Ce soir, nous sommes tous de la même famille »
Les youyous résonnent dans le ciel de Casablanca. On vibre au son aigre des klaxons ou aux rythmes des darboukas. On craque des fumigènes. On chante ensemble l’hymne national. Il y a même un homme qui s’est déguisé en… père Noël. L’ivresse emporte, des enfants aux « hadjas » (anciens). Cadres, chômeurs, écoliers, sans-papiers… « Ce soir, nous sommes tous de la même famille », clame Chems, 15 ans, vêtue du maillot blanc floqué Hakim Ziyech, le guide de la sélection. Elle n’a pas les mots, comme les autres, pour dire sa « fierté » d’appartenir à la première nation africaine en demi-finale d’un Mondial.
« C’est monumental : nous sommes le premier pays à représenter notre continent, les Arabes et les musulmans. Cette victoire nous donne une grande ambition », se félicite Youssef, 26 ans, ingénieur dans l’automobile. Ousmane Mbow, un technicien sénégalais de 35 ans, vêtu du maillot des Lions de la Teranga, abonde : « On partage cette joie avec les Marocains, on est ensemble. »
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