Plusieurs villes françaises ont déjà annoncé qu’elles ne retransmettraient pas la coupe du monde de football sur écrans géants.
La liste s’allonge de jour en en jour. Paris ce soir, Marseille une peu plus tôt dans la journée, Strasbourg, Reims, Lille, Bordeaux hier. A qui le tour ? On est à un mois et demi de l’ouverture du Mondial, et d’autres municipalités vont suivre le mouvement. Comme c’est le cas chez certains de nos voisins, en Belgique notamment. La raison invoquée est simple. Ne surtout pas cautionner la coupe du monde au Qatar, ne pas se mettre aux couleurs d’un événement que ces villes refusent de soutenir. Alors pourquoi pas ? Il y a de multiples raisons de vouloir se démarquer d’un Mondial organisé avec des aberrations écologiques à la pelle. Entre les stades climatisés et les 160 vols par jour prévus pour acheminer les supporters qui ne peuvent pas se loger sur place et qui font la navette entre les stades et leurs hôtels dans les pays voisins par exemple. Il y a aussi évidemment le problème des droits humains, entre les 6.500 ouvriers morts sur les chantiers de cette Coupe du monde et les discriminations diverses. Tout ça est vrai, et les protestations ne peuvent que s’entendre. Mais elles arrivent tard, et brandir l’arme démagogique du boycott est un peu facile.
Il y a d’autres raisons qui entrent en ligne de compte.
D’abord, il y a de nombreuses villes où les écrans géants n’ont jamais fait leur apparition lors des matches de poules. Même lors des coupes du monde qui ne prêtaient pas à polémique. On les installe si l’équipe de France fait un bon parcours, se retrouve dans le dernier carré ou même en finale. Donc certaines municipalités communiquent la main sur le cœur sur l’absence d’écrans géants alors qu’ils ne sont pas là d’habitude non plus. Premier point. Deuxième chose, ça ne vous aura pas échappé, on est à l’automne, pas au mois de juin. Les passionnés de foot risquent de moins se bousculer au portillon de fans zones ouvertes aux quatre vents que lors des longues soirées chaudes du début de l’été. Il y a des chances pour qu’ils aient plus envie de se retrouver dans la chaleur d’un bar ou d’organiser une soirée foot entre amis, sur le canapé. Donc c’est aussi une question d’offre et de demande, mais c’est moins vendeur que de faire miroiter un boycott. Et troisième chose, le coût. Installer un écran géant et le faire fonctionner, ça coûte déjà cher habituellement. 200.000 euros à Bordeaux uniquement pour la finale de 2018 par exemple. Mais là, en plus, il y a la hausse des prix de l’énergie. Ça veut dire que les municipalités cherchent aussi à faire des économies. Ce qui est louable, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec un boycott moral. La ville d’Angers par exemple a été transparente aujourd’hui. On appelle tout le monde à la sobriété, on ne va pas sombrer dans la gabegie. Ça a le mérite de l’honnêteté intellectuelle.
Est-ce que ces municipalités ont raison ou tort de ne pas installer d’écrans géants pour la Coupe du monde ?
Chacun jugera, nos experts notamment. Mais dire haut et fort qu’on ne veut pas donner d’écho à une Coupe du monde dont on ne partage pas les valeurs, est-ce que c’est efficace surtout ? Le Mondial va avoir lieu. Et de l’écho, il en aura. Ne pas installer d’écrans géants n’y changera rien. Donc est-ce que ce ne sont pas surtout les fans de foot qu’on punit, plus que le Qatar et son organisation ô combien critiquable ? Et puisque de toute façon, il y aura un écho, pourquoi ne pas profiter de ce moment pour mettre en lumière tout ce qui ne va pas ? Et il y a le choix. L’ONG Amnesty International a par exemple réalisé un documentaire pour dénoncer toutes les aberrations du Mondial qatari. Ça pourrait valoir le coup de le passer sur un écran géant à la mi-temps des matches. Ça n’est qu’un exemple. Profiter de l’occasion pour sensibiliser tout le monde sur les coulisses de cette Coupe du monde. C’est peut-être plus constructif que de se boucher les yeux et les oreilles.