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Le campus de l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou commence à s’animer. La fin de journée approche et, à peine sortis des classes, les étudiants prennent d’assaut les kiosques à café. Assis à l’ombre d’un arbre, Jean-François Somé, en licence de lettres modernes, suit l’actualité mouvementée de son pays sur son téléphone.
L’étudiant de 25 ans guette les prochaines annonces du capitaine Ibrahim Traoré, le putschiste qui a pris le pouvoir au Burkina Faso, le 30 septembre. Ce militaire qui a renversé un autre militaire et promet, à son tour, d’en finir avec les attaques djihadistes, il le voit comme la « réincarnation de Sankara ».
Comme le capitaine président au moment où il s’est hissé au sommet de l’Etat, Ibrahim Traoré a 34 ans. « Il est jeune, militaire, patriote, c’est l’homme de la situation », s’exalte Jean-François Somé, conquis par la première sortie officielle du nouvel homme fort burkinabé. C’était le 15 octobre : le nouveau chef de la junte s’est vu remettre un « flambeau de la révolution » alors qu’il rendait hommage à Thomas Sankara, à l’occasion de la commémoration du 35e anniversaire de sa mort.
Au Burkina Faso, l’icône panafricaine et anti-impérialiste, assassinée en 1987, continue de faire rêver une partie de la jeunesse, déçue de la politique et excédée par sept années de violences djihadistes. Une admiration d’autant plus vive que les critiques formulées par Thomas Sankara contre la politique africaine de la France résonnent encore. Soixante-deux ans après l’indépendance de l’ancienne Haute-Volta, le rejet de Paris atteint des niveaux inédits dans le pays. Plusieurs symboles de la France en ont fait les frais au lendemain du putsch : ambassade, centres culturels et drapeaux tricolores.
Il y a cinq ans, le président français Emmanuel Macron avait justement choisi l’université Joseph Ki-Zerbo pour s’adresser à la jeunesse. Le 28 novembre 2017, devant 800 étudiants entassés dans l’un des amphithéâtres construits par l’ancien guide libyen Mouammar Kadhafi, il y avait clamé la fin de la « politique africaine de la France », récoltant des applaudissements et des huées. En marge de sa visite, des heurts avaient éclaté entre des étudiants refoulés de l’université et des forces de l’ordre.
« Rien n’a changé »
A l’époque, Jean-François Somé était encore élève en classe de terminale, mais il avait suivi le discours, retransmis à la radio. Il avait apprécié le ton de ce jeune chef de l’Etat qui, comme lui, « n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé », et avait voulu croire à sa promesse d’une « nouvelle relation » entre la France et son pays. « Rien n’a changé », regrette aujourd’hui le jeune homme assis sur un banc en pierre.
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