Le légendaire Bill Russell n’est plus. Exception faite d’Henri Richard, il est le seul athlète d’un des principaux sports professionnels à se targuer d’avoir mérité onze championnats. Contrairement au «Pocket rocket», il a cependant réalisé l’exploit en dépit des partisans de son équipe.
Je laisse aux spécialistes du basketball les sempiternelles discussions visant à déterminer l’importance de son legs comme joueur. A-t-il été le plus grand de l’histoire? Il est assurément celui qui a gagné le plus souvent, mais c’est d’abord le contexte dans lequel il atteint le sommet qui m’intéresse.
Sport et politique ont toujours été associés comme l’a souligné David Zirin dans son Histoire populaire du sport aux États-Unis (2017). Il a d’ailleurs réservé quelques pages au célèbre joueur.
Des dirigeants progressistes
Lorsque Russell débute avec les Celtics, bien peu de joueurs de couleur s’imposaient dans les sports professionnels. Il y avait bien un Ali ou un Jackie Robinson, mais trop peu de modèles pour guider un athlète qui débarque dans une ville qui entretient une relation trouble avec la question raciale.
Pourtant le berceau de l’abolitionnisme aux États-Unis au 19e siècle, la ville est aussi malheureusement reconnue pour ses débordements racistes. Les propriétaires des Celtics furent nettement plus progressistes que les partisans de l’équipe. Russel a d’ailleurs déjà affirmé qu’il ne jouait pas pour Boston, mais bien pour les Celtics.
S’il a déjà été confronté au racisme dans d’autres villes du circuit, la ville de Cleveland lui remettant les clés de la ville avant de lui refuser l’entrée dans un hôtel, jamais les manifestations ne furent plus brutales que ce qu’il a affronté à Boston.
Héros mal-aimé
Héros sur le court et joueur le plus utile, Bill Russell a été victime de vandales qui ont pillé sa demeure avant de déféquer sur son lit. Lorsqu’il tenta de quitter la banlieue pour s’installer dans les beaux quartiers, ses futurs voisins ont fait circuler une pétition pour empêcher ce déménagement.
Jamais le joueur vedette n’aura droit au traitement réservé aux Bobby Orr, Larry Bird et Carl Yastremski. Il est même étonnant de se rappeler que si les Celtics contribuaient à remplir les gradins lors de leurs matchs sur la route, rarement les matchs locaux se jouaient à guichets fermés.
Alors qu’on lui réserve insultes, injures et humiliation, les partisans et plusieurs représentants des médias reprochent même à l’athlète sa froideur! Reconnu pour sa générosité, coéquipier exemplaire, Russell a attendu jusqu’en 2013 pour que la ville reconnaisse enfin une contribution hors du commun.
Depuis hier, on rappelle la contribution de ce grand joueur à l’évolution du jeu défensif au basketball et on met de l’avant ses qualités de meneur. Nous aurions tort de ne pas rappeler que ces exploits s’accompagnent d’une implication sociale de tous les instants et que l’adversité ne manquait pas dans une ville qu’il a déjà qualifiée de marché aux puces du racisme.