Analyse. Alors candidat à la présidence, Joe Biden avait promis de construire un système migratoire « juste et humain ». Le slogan était prometteur pour tous ceux qui observent le traitement des migrants se pressant à la frontière avec le Mexique. Il existait un espoir de rupture avec la « tolérance zéro » de l’ère Trump, qui avait entraîné une séparation épouvantable entre près de 5 000 enfants et leurs parents. Au premier jour de son entrée en fonctions, Joe Biden avait annoncé l’arrêt de la construction du mur frontalier, tant prisé par son prédécesseur. « Pas une solution politique sérieuse », disait le communiqué officiel.
Dix-huit mois plus tard, le bilan démocrate semble bien terne, à la fois dans les faits et dans leur perception par l’opinion publique. L’administration a préféré se consacrer à d’autres priorités, notamment économiques, plutôt que de s’emparer de ce sujet complexe, alors que le continent sud-américain est confronté à des traumatismes climatiques, politiques et sociaux de grande ampleur, poussant des millions de personnes à remonter vers le nord. Fin septembre, le nombre d’interpellations à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis a atteint un niveau historique : 2,38 millions sur un an, soit une augmentation de 37 % par rapport à 2021. Cette statistique comprend de nombreux auteurs de plusieurs passages. Les autorités locales et fédérales sont débordées, la justice est engorgée, et les communautés frontalières sont sous pression.
Ce n’est pas un hasard si, depuis septembre, les républicains bénéficient de vents favorables avant les élections de mi-mandat du mardi 8 novembre. Ils ne cessent d’insister sur cette question migratoire, liée dans leur esprit – et dans leur esprit seulement – à la criminalité et notamment au trafic de fentanyl (drogue opioïde), réduisant cet enjeu à une affaire d’« invasion », comme une maison menacée par des termites. Leur solution ? Plus de contrôles, plus de policiers, plus de répression, plus de mur, celui promis par Donald Trump n’étant pas achevé. Près de 725 kilomètres ont été érigés, pour 11 milliards de dollars (la même somme en euros). Les démocrates présentent là une forte vulnérabilité, identifiée de longue date, qui conduit une partie du public latino, dans les Etats du Sud, à se tourner vers les républicains.
Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et son collègue du Texas, Greg Abbott – tous deux candidats à leur réélection le 8 novembre –, ont provoqué une vive controverse depuis l’été en organisant des charters et des bus de réfugiés vers d’autres Etats américains, pour supposément partager le fardeau. Leur instrumentalisation de la détresse humaine a été dénoncée. Mais leur but a été atteint : replacer la question migratoire au cœur du débat public, au détriment de l’avortement, qui mobilisait le camp démocrate.
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