Le vendredi 21 avril, le site d’information et de divertissement, BuzzFeed, s’interroge sur la personnalité de Midge, la meilleure amie de Barbie, dans un article publié à la une de BuzzFeed News. Toutefois, seulement un jour avant, le fondateur de BuzzFeed, Jonah Peretti, a annoncé la fermeture du site dans un mail interne à ses employés, mettant un point final à une époque aussi imaginative que déconcertante pour les médias, dans un monde des réseaux sociaux en plein bouleversement.
La fermeture de BuzzFeed entraîne le licenciement de 180 employés et met fin au plus célèbre et imaginatif des nouveaux médias, qui est né en 2006 avec l’essor des réseaux sociaux. Jonah Peretti affirme avoir été trop lent à admettre que les grandes plates-formes Internet ne fourniraient pas la distribution et les finances nécessaires pour soutenir un journalisme de qualité gratuit et conçu pour les réseaux sociaux. Le groupe se concentrera désormais sur son autre journal en ligne, le HuffPost, acheté en 2020, ainsi que sur ses sites dédiés à la cuisine, à la mode et aux célébrités, mettant ainsi fin à une époque aussi imaginative que déconcertante pour les médias, à l’image du monde des réseaux sociaux, lui aussi en pleine mutation.
BuzzFeed News aura tout tenté, du journalisme algorithmique à ses débuts avec des logiciels qui faisaient le travail, à la presse de qualité, avec l’embauche de journalistes d’expérience qui ont poussé l’investigation jusqu’à remporter un prix Pulitzer en 2021 pour une enquête de Megha Rajagopalan sur les camps de rééducation des Ouïgours en Chine. Le groupe s’est également lancé dans l’expansion internationale et les acquisitions, puis a tenté l’introduction en Bourse en décembre 2021, avec l’espoir d’une valorisation dépassant le milliard de dollars. Ce fut un échec.
Jonah Peretti a incriminé les grandes plates-formes et la débâcle du marché de la publicité pour justifier sa décision. En effet, la conjoncture actuelle difficile et la dégringolade de nombre d’entreprises du high-tech ont déprimé un marché de la publicité qui représentait la quasi-totalité des revenus d’un site qui n’a jamais gagné d’argent. Pourtant, BuzzFeed a toujours fait preuve d’imagination dans ce domaine, avec un mélange assumé entre contenu éditorial et publicitaire. Cette approche, couplée avec un tropisme pour les papiers racoleurs, n’a pas arrangé sa cote de confiance auprès des lecteurs. Comme les réseaux sociaux, il a développé un rapport distancié avec la rigueur journalistique. Comme eux, et notamment Twitter, il n’a pas su trouver la voie d’un modèle économique pérenne, c’est-à-dire payant et indépendant. Un équilibre fragile que peu de médias atteignent aujourd’hui.
