Trois jours qu’il dort mal. Trois jours de tourments à en faire tomber ses derniers cheveux. Depuis la victoire de son pays, le Maroc, face à l’Espagne (0-0, 3-0 t.a.b.), mardi 6 décembre, en huitièmes de finale du Mondial au Qatar, la même phrase hante son esprit. « Malheureusement, je n’ai pas assez commandé de drapeaux, soupire Aboubakar en rangeant les bannières rouges à l’étoile verte qui habillent son minuscule stand, situé dans un coin de l’ancienne médina à Casablanca. Je ne croyais pas que l’équipe nationale arriverait en quarts de finale de la Coupe du monde. C’était inattendu. Et tellement beau. »
Comment contredire ce commerçant de 56 ans… Cette beauté se voit un peu partout dans cette ville folle de football : dans les grandes artères modernes ou les petites ruelles d’un autre temps ; sur les immenses écrans publicitaires qui repassent en boucle l’arrogante panenka d’Achraf Hakimi face aux Espagnols ; dans les sourires chargés de fierté des jeunes et des plus âgés ; dans les innombrables cafés, aussi, où l’on attend avec impatience le duel face au Portugal, samedi 10 novembre à 16 heures. « Ça va être un jour de fête, un jour férié », parie Samir Ait Benhammau en lançant un clin d’œil complice.
Assis dans un café du quartier Maârif, ce chauffeur de taxi, élégant avec sa barbe taillée et ses lunettes aviateur, prend une pause entre deux courses. Le quadra pourrait parler des heures de ses « 26 frères » de l’équipe nationale et du bonheur vertigineux qu’ils ont procuré en qualifiant leur royaume pour la première fois de son histoire en quarts de finale d’une Coupe du monde.
« Extase » nationale
« Après le match contre l’Espagne, on s’est pris dans les bras avec des inconnus pour s’embrasser ou faire des photos, raconte-t-il. J’ai vu une dame, clouée dans son fauteuil roulant, qui voulait se lever pour courir avec les autres. Les joueurs me touchent. J’ai le cœur qui bat davantage quand je les vois sur la pelouse. Ce sont des soldats, ils défendent le drapeau pour gagner. »
Le parcours des Lions de l’Atlas impressionne les Marocains : depuis le Mondial 1986 au Mexique – la sélection avait atteint les huitièmes –, ils attendaient une telle prouesse. « J’ai pleuré quand Hakimi a marqué le dernier penalty », confie Mohamed L’Ouahadi, 31 ans, qui tient une boutique de maillots de foot tout près de la place des Nations-Unies. En se remémorant ce moment, ses yeux se mouillent à nouveau. « C’est impensable, martèle-t-il. Qui aurait imaginé qu’on allait tenir tête à la Croatie (0-0), battre la Belgique (0-2), le Canada (1-2) et l’Espagne ? » Même lui n’y a pas cru : il n’a pas constitué de stock de tuniques aux couleurs de l’équipe nationale. « Il m’en reste encore de la précédente Coupe du monde à vendre », souffle-t-il.
Il vous reste 64.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.