A défaut d’être un jour de gloire pour le sport français, le dimanche 31 juillet restera comme une journée d’espoir pour l’avènement du sport féminin. L’arrivée du Tour de France Femmes et la finale de l’Euro féminin de football, remportée par l’équipe anglaise, consacrent une séquence au cours de laquelle la visibilité des femmes dans le sport a franchi un nouveau palier. Attractivité du spectacle, progression des performances, présence dans les médias : tous les indicateurs sont orientés dans la bonne direction, celle d’un sport féminin capable de s’exprimer au-delà du carcan dans lequel certains ont voulu l’enfermer.
« Le sport doit avoir un côté esthétique, quand on enlève le côté esthétique du sport, il y perd 50 %. Vous, vous êtes moche ! » Ainsi s’adressait en 1987 le cycliste Marc Madiot du haut de ses deux titres gagnés sur la course Paris-Roubaix à Jeannie Longo qui, dans sa carrière, aura été treize fois championne du monde, triple vainqueure du Tour de France et championne olympique.
Ces derniers jours, la scène, extraite d’une émission diffusée à l’issue d’une étape du Tour de France, a tourné en boucle sur les réseaux sociaux, suscitant gêne, colère, effarement et, sans doute aussi, chez une petite minorité, une certaine nostalgie. « J’aime trop les femmes pour les voir souffrir », ajoutait Madiot dans un ultime argument d’une tirade qu’il n’a regretté que très récemment.
Volontarisme
Il y a quelques mois encore, l’ex-candidat à l’élection présidentielle, Eric Zemmour, affirmait sans gêne à propos des footballeuses : « Je ne leur interdis nullement de jouer au football, mais ce n’est plus du football. » La misogynie élevée au rang d’arbitre des élégances d’une discipline qui aurait été créée exclusivement pour les hommes.
En cyclisme, il aura fallu attendre trente-trois ans pour que Amaury Sport Organisation et une poignée de sponsors daignent relancer l’idée d’un Tour de France féminin. Si les audiences ne sont pas encore au rendez-vous, il faut saluer le volontarisme du service public audiovisuel, qui en retransmettant en direct chacune des huit étapes de la compétition a contribué à rompre avec une invisibilisation du sport féminin, dont la société s’est trop longtemps accommodée.
Une étude réalisée en 2019 par l’université Purdue (Indiana) montrait que la couverture télévisée des sportives aux Etats-Unis ne totalisait que 5,4 % de tout le temps d’antenne, soit à peine plus qu’il y a trente ans (5,1 %). Et encore, ces chiffres restent trompeurs car entre deux compétitions majeures, comme la Coupe du monde de football féminin ou les Jeux olympiques, les sportives sont condamnées à retourner à un anonymat quasi total.
Chacun doit se rendre compte que la représentation médiatique des sports et des athlètes peut, plus ou moins consciemment, contribuer à la construction de stéréotypes sexistes qui agissent bien au-delà du domaine sportif. Au-delà de la faible fréquence des retransmissions, la couverture des disciplines féminines se limite encore trop souvent à l’apparence, l’âge ou la vie de famille des athlètes, pendant que chez les hommes, ce sont les performances qui sont davantage valorisées.
Les champs de progression du sport au féminin restent immenses. Qu’il s’agisse de l’incitation de la pratique sportive dès le plus jeune âge, des revendications d’égalité salariale, la professionnalisation conçue comme moteur vertueux de l’attractivité du spectacle, ou encore de l’évolution d’une gouvernance des instances qui restent encore trop masculines, le sport doit être en phase avec les valeurs qu’il porte. Il doit apporter une contribution indispensable à l’harmonie de la société.