Compter les personnes sur le bord des routes n’a jamais été une science exacte. Mais la foule présente tout au long de la montée de la Super-Planche-des-Belles-Filles (Haute-Saône), dimanche 31 juillet, confirme l’impression générale dégagée par le Tour de France Femmes 2022 : celui d’un succès populaire encourageant pour la suite.
En sommeil depuis trente-trois ans et une précédente mouture dans les années 1980, la Grande Boucle version féminine était très attendue. Par les principales concernées d’abord : les cyclistes. « Nous ne savions pas à quoi nous attendre. C’est au-delà de ce que j’imaginais », dit Marianne Vos. Maillot vert et vainqueure de deux étapes, la Néerlandaise a animé ce Tour qu’elle appelait de ses vœux depuis des années.
Samedi, la coureuse de l’équipe Jumbo-Visma avait laissé son maillot jaune – porté pendant cinq jours – à sa compatriote Annemiek van Vleuten (formation Movistar) lors d’une septième étape suivie par 2,7 millions de personnes sur France 2 pour une part de marché de 30 %. A l’exception de lundi, le service public affiche des audiences supérieures à deux millions de téléspectateurs en moyenne.
A entendre Marion Rousse, la directrice de l’épreuve, cette première édition entérine l’idée d’une course organisée dans la foulée de celle des hommes. « Je sais qu’il y a longtemps eu débat, mais j’étais persuadée que les gens étaient disposés à continuer à regarder du vélo en juillet, assure-t-elle. C’était la meilleure date, c’est une quatrième semaine du Tour et il faut qu’on reste comme ça. »
« Pas une course de second plan à côté du Tour masculin »
Un autre débat, lui, risque d’occuper l’ancienne championne de France : celui de la durée de l’épreuve. Si les jambes étaient un peu lourdes au sommet de la « Planche » et de ses passages à plus de 20 % de dénivelé, les cyclistes ne sont pas contre prolonger le plaisir, limité à huit jours pour l’instant. « Je vois bien dix étapes prochainement et pourquoi pas deux semaines », avance la Polonaise Kasia Niewadoma (Canyon-SRAM Racing), troisième du classement général. Selon Marion Rousse, la discussion existe « mais le format de huit jours convient à tout le monde ».
Pour l’instant ? « La plupart des filles sont capables de faire trois semaines, mais c’est au niveau de l’encadrement que nous ne sommes pas capables de suivre », confiait Stephen Delcourt quelques jours avant le départ des Champs-Elysées. Le manageur de la formation FDJ-Suez observe avec un mélange d’enthousiasme et d’inquiétude le développement du cyclisme féminin en moins de deux ans. « Notre sport n’est pas mature, il y a de grands écarts de niveau et c’est normal. Je comprends qu’ASO [Amuary Sport Organisation, l’organisateur de l’épreuve] ait voulu accompagner certaines équipes en les faisant participer à cette grande course mais il y a des cyclistes qui n’ont pas l’expérience. »
Avec vingt-quatre équipes de six coureuses, ASO a brassé large et invité quatre équipes françaises de niveau Continental (deuxième division). Pas épargnée par la malchance, la formation du Stade Rochelais (380 000 euros de budget) n’avait que Séverine Eraud à ramener en Charente-Maritine. En camping-car. Au matin des étapes, le fossé économique se voyait sur le parking entre les cars rutilants des formations du World Tour et la flotte plus modeste de certaines équipes de la division Continental.
Selon certains manageurs, cette différence de moyens – notamment au niveau des vélos – a pu expliquer l’absence d’un contre-la-montre. Marion Rousse avance une autre raison : « Un chrono, ça fait aussi moins d’audience, avance l’habituelle consultante de France Télévisions. Cette année, c’était hyperimportant d’être attractif. Mais nous ne nous interdisons pas d’en mettre dans les prochaines années. »
La directrice de l’épreuve donne rendez-vous au 27 octobre pour la présentation du parcours de la deuxième édition. Après le week-end explosif dans les Vosges en 2022, la haute montagne se profile avec un choix à effectuer entre les Pyrénées ou les Alpes. Un départ à l’étranger est aussi évoqué pour 2024. Sans surprise, le nom d’une ville néerlandaise revient avec insistance.
De quoi ravir la maillot jaune de ce Tour, Annemiek van Vleuten, heureuse d’avoir été la protagoniste d’un futur grand événement du sport mondial. « Il y a tellement de gens venus nous voir, on sent dans chaque village que ce Tour est bien en vie, s’est-elle réjouie après sa victoire finale. Ce n’est pas une course de second plan à côté du Tour masculin. C’est un super début. »