« Il y a encore de l’eau, vous voyez ! » La phrase lancée par Christophe Mirmand se veut une boutade, alors que derrière lui scintille l’immense étendue turquoise de Serre-Ponçon, le plus grand lac artificiel de France. Pourtant, le trait d’humour du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur peine à masquer la situation de crise que traverse ce joyau des Alpes, situé à la frontière des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence. Confrontée à une sécheresse extrême, la retenue voit son niveau baisser jour après jour. Samedi 30 juillet, ce dernier atteignait treize mètres de moins que la cote optimale de remplissage. Les activités touristiques tentent tant bien que mal de s’adapter, sur fond de tensions autour d’une ressource qui se raréfie.
Une virée en bateau permet de prendre la mesure d’une situation exceptionnelle pour la saison, proche du record de 1990. En amont, près d’Embrun, la « queue du lac », comme on la surnomme, n’est plus qu’un vaste plateau de sédiments, balayé par un vent brûlant, au sein duquel serpente une Durance maigrelette. En allant vers l’aval, les stries sur les rives comme les marques sur les piles du pont de Savines trahissent la baisse du niveau de l’eau. Sur les berges, des pontons gisent sur le sol caillouteux au lieu de flotter.
En temps normal, cette immense retenue, de 1,2 milliard de mètres cubes d’eau, se remplit grâce aux apports de la Durance et de l’Ubaye. Mais cette année, les précipitations au plus bas, de neige puis de pluie, ont entraîné un débit minimal record de ces deux rivières. Résultat : le lac n’est plein qu’à 72 %.
« On ne peut plus nager ici »
Le coup a été rude pour l’activité touristique. Trois des huit plages sont interdites à la baignade, deux stations-service pour embarcations ne sont plus praticables et près de 500 bateaux ne peuvent plus stationner sur les 760 places gérées par le Syndicat mixte d’aménagement du lac de Serre-Ponçon (Smadesep). « On a été pris de court, reconnaît Victor Bérenguel, le président du Smadesep et également maire de Savines-le-Lac. Un tel étiage, c’est un problème à cette saison tant que le lac n’est pas adapté. »
Le lac a été créé en 1959, au moment de l’édification d’un barrage sur l’impétueuse Durance, avec trois missions : produire de l’électricité, irriguer la Provence et lutter contre les crues. Les enjeux du tourisme n’ont été intégrés que plus tard, par une convention passée en 2008 entre le Smadesep et EDF. En hiver, le lac peut être pompé pour les besoins énergétiques. Et en été, EDF s’engage à ne pas baisser le niveau d’eau de plus de 5 mètres en dessous de la cote normale du lac, qui se situe à 780 mètres (altitude par rapport au niveau de la mer). Aujourd’hui, les équipements peuvent ainsi supporter un niveau d’eau de 775 mètres… mais pas les 767 mètres atteints en cette fin de mois.
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