Le Sénat, à majorité de droite, a adopté, vendredi 29 juillet au soir, en première lecture et après l’avoir amendé, le projet de loi « d’urgence » en soutien au pouvoir d’achat, premier volet du paquet de mesures pour faire face à l’inflation, qui s’établit au-delà de 6 %.
Le texte a été adopté à main levée, grâce aux voix des groupes Les Républicains (LR), Union centriste et Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) – à majorité de membres d’En marche ! –, au terme de deux jours de débats globalement sereins, contrastant avec la discussion chaotique qui a prévalu à l’Assemblée nationale.
Dès lundi, les sénateurs s’attaqueront au budget rectificatif pour 2022, l’hypothèse d’une taxe sur les « superprofits », portée notamment par les centristes, risquant de tendre les débats. Le même jour, députés et sénateurs se réuniront en commission mixte paritaire pour tenter de s’accorder sur une version commune du projet de loi sur le pouvoir d’achat – le gouvernement table sur une adoption définitive des deux textes au plus tard le 7 août.
Poursuite de la « prime Macron » jusqu’en décembre 2023
« Les choses ne sont pas écrites d’avance », a mis en garde Philippe Mouiller (LR), soulignant que le Sénat aurait « des lignes rouges ». Le premier texte est calibré à 20,7 milliards par Bruno Le Maire, le second ouvre 44 milliards d’euros de crédits, dont 9,7 pour financer la renationalisation à 100 % d’EDF.
« L’inflation reste notre sujet de préoccupation numéro un, mais nous anticipons une baisse » en 2023, a déclaré le ministre de l’économie à l’issue du conseil des ministres, alors que l’Insee a publié vendredi une première estimation pour juillet de l’indice des prix à la consommation (+ 6,1 % sur un an après + 5,8 % en juin).
Le Sénat a donné, avec le soutien du gouvernement, un coup de pouce aux commerçants. Il a adopté un amendement de l’ancien ministre Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI) pour plafonner à 3,5 % la hausse des loyers commerciaux des PME pendant un an. Les sénateurs avaient auparavant approuvé le « bouclier loyer » pour les particuliers, qui prévoit également un plafonnement de la hausse à 3,5 % de juillet 2022 à juin 2023.
Le Sénat a voté la poursuite jusqu’au 31 décembre 2023 de la « prime Macron », avec un plafond porté à 3 000 euros ou 6 000 euros en cas d’accord d’intéressement. Il a toutefois réservé aux seules entreprises de moins de cinquante salariés la pérennisation, à partir de 2024, d’une prime exonérée de cotisations sociales.
La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés actée
Malgré un vif débat sur la revalorisation du RSA, les sénateurs ont aussi acté une augmentation de 4 % des pensions de retraite et de plusieurs allocations (familiales, minima sociaux) avec effet rétroactif au 1er juillet 2022, ainsi que la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.
Pour « valoriser le travail », les sénateurs ont créé une réduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires, prévu la possibilité d’un déblocage anticipé de l’épargne salariale et assoupli les règles d’utilisation des titres-restaurants.
Sur le volet énergie, plusieurs sénateurs ont souligné la nécessité de mieux « anticiper ». « Soyons attentifs à nos décisions, la transition énergétique n’est plus comprise par nos concitoyens », a mis en garde René-Paul Savary (LR), au moment où Emmanuel Macron fait les « yeux doux au prince » hériter saoudien, Mohammed Ben Salman, pour « importer son pétrole ».
La ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a mentionné pour la « rentrée » parlementaire d’octobre le projet de loi « d’accélération de la transition énergétique », évoqué depuis plusieurs semaines pour simplifier le développement des énergies renouvelables, éolien et solaire. « A priori, le Sénat serait le premier » à l’examiner, a-t-elle glissé. Par un amendement du socialiste Franck Montaugé, les sénateurs ont limité à deux ans au lieu de cinq la durée des dispositifs exceptionnels pour l’approvisionnement de la France en gaz, contre la volonté du gouvernement.
Verts et communistes votent contre, les socialistes s’abstiennent
Ils ont aussi voté un amendement du président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, demandant au gouvernement un rapport « visant à mettre en place », par un boîtier intelligent, un dispositif volontaire et rémunéré de réduction des consommations d’électricité pour les particuliers.
Le groupe écologiste et le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), à majorité communiste, ont voté contre le texte « d’urgence », qui peut selon Fabien Gay (CRCE) « se résumer par le mot “évitement” », pensé « pour que l’augmentation du salaire ne vienne pas sur la table ».
Les socialistes se sont abstenus « pour dire aux Français “vous pouvez compter sur nous pour vous défendre” », a dit leur chef de file, Patrick Kanner. « Nous devons voter en responsabilité », a plaidé le centriste Jean-Pierre Moga, pour qui « soutenir nos concitoyens les plus modestes est une nécessité autant qu’un impératif ».