La Cour des comptes propose de restreindre l’indemnisation des arrêts de travail par l’Assurance maladie et raboter certaines exonérations de cotisations sociales pour tenter d’enrayer « l’insoutenable » creusement du déficit de la Sécurité sociale. Les prévisions actuelles du gouvernement « montrent une dégradation continue » et « non maitrisée » du déficit de la Sécu, « qui atteindrait 17,2 milliards d’euros en 2027, sans plus de perspective de stabilisation et encore moins de retour à l’équilibre », souligne la Cour des comptes dans son rapport d’application sur les lois de financement de la Sécurité sociale, présenté mercredi.
Les arrêts de travail « ont augmenté de plus de 50% entre 2017 et 2022 pour atteindre 12 milliards d’euros »
Parmi ses recommandations pour tenter de reprendre le contrôle, la Cour des comptes suggère de s’attaquer aux dépenses d’indemnisation des arrêts de travail, « qui ont augmenté de plus de 50% entre 2017 et 2022 pour atteindre 12 milliards d’euros dans le régime général ». Elle préconise « d’aller plus loin dans la lutte contre la fraude aux arrêts de travail et dans le contrôle des prescriptions des médecins », et de simplifier la réglementation existante.
Parmi d’autres « mesures possibles », la Cour cite la non-indemnisation par l’Assurance maladie des arrêts de moins de 8 jours (470 millions d’euros de dépense en moins), l’augmentation à 7 jours du délai de carence (950 millions d’euros de dépenses en moins), la réduction à deux ans (contre trois aujourd’hui) de la durée maximale d’indemnisation (750 millions d’euros de dépenses en moins)… De manière générale, il faut « mieux répartir la charge » de l’indemnisation des arrêts de travail entre la Sécurité sociale, les entreprises et les assurés, résume la Cour.
Elle propose également de redonner des recettes à la Sécurité sociale en s’attaquant aux exonérations de cotisations sociales sur les compléments de salaire. Ces possibilités dont disposent les employeurs pour compléter la rémunération de leurs salariés (financement des complémentaires santé, prévoyance et retraite supplémentaire, aides directes comme les titre restaurants, partage de la valeur comme l’intéressement ou la participation…) ne cessent de croître, au détriment des salaires… et des cotisations sociales assises sur ceux-ci, explique la Cour des comptes.
Les exonérations qui leur sont appliquées « se traduisent par une perte de recettes pour la Sécurité sociale qui peut être estimée à 18 milliards en 2022 », selon elle. Selon les chiffres de l’institution, les compléments de salaire dans le secteur privé se sont élevés à 87,5 milliards d’euros en 2022, ajoutant en moyenne 13,2% au salaire de base. L’institution proposera fin juin des pistes détaillées d’économies sur l’assurance maladie, a indiqué mercredi son président Pierre Moscovici. Dans cette « revue de dépenses » demandée par le Premier ministre, la Cour suggèrera « des pistes d’économies concrètes », a-t-il indiqué. « Il y a des gisements importants », mais il faudra de la « volonté politique » pour les mettre en oeuvre.
Autres pistes d’économies présentées mercredi: une meilleure régulation des médicaments anti-cancéreux innovants, pour réduire leur prix plus rapidement. La Cour suggère la mise en place d’un réseau d’organisme de recherche indépendant pour évaluer les coûts et les bénéfices induits par les nouveaux médicaments. Il faut pouvoir notamment « renégocier le prix des médicaments anti-cancéreux innovants lorsque des études (…) montrent des résultats inférieurs à ceux attendus », note la Cour. La dépense de l’Assurance maladie pour ces médicaments « a atteint 5,9 milliards d’euros en 2022, 2,4 milliards après déduction des remises versées par les laboratoires », selon la Cour.