La crise du Covid-19 a eu de lourdes conséquences sur l’économie française, dont la chute de la productivité. Cela constitue une véritable rupture par rapport à la décennie précédente au cours de laquelle la productivité augmentait de 0,85% en moyenne par an, avec une parenthèse lors de la crise de 2008-2009. Entre fin 2019 et fin 2022, la productivité horaire a chuté de 3,6% et la productivité par tête a baissé dans les mêmes proportions, de 3,4%.
Selon Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « Ce mystère des pertes de productivité » constitue un mauvais signal pour l’avenir. En effet, ce sont les gains de productivité qui permettent d’avoir de la croissance et d’améliorer le niveau de vie. Si la baisse de la productivité est durable, cela conduit à moins de croissance, moins de revenus notamment au sein de l’entreprise et donc moins de salaires à redistribuer.
La baisse de la productivité dans l’Hexagone est d’ailleurs l’un des éléments qui expliquent pourquoi les salaires y évoluent moins vite, en termes réels, qu’aux États-Unis, par exemple. Mais les conséquences sont bien plus larges encore : la productivité est « une donnée déterminante pour l’équilibre financier du régime des retraites », puisque le financement des pensions est assuré par des cotisations assises sur les salaires.
Les scénarios du COR (Conseil d’orientation des retraites) sont fondés sur l’hypothèse d’une hausse de la productivité de 1% par an. Mais aujourd’hui, on en est loin. Comment redresser la barre ? La question est d’autant plus complexe que les causes du phénomène sont mal identifiées. Selon Eric Heyer, on arrive à expliquer 70% du mystère. La principale raison invoquée est que l’économie française a créé, depuis la crise due au Covid-19, des emplois à un rythme supérieur à la production : l’emploi salarié marchand a augmenté de 4,6% entre fin 2019 et fin 2022, alors que la valeur ajoutée n’augmentait que de 1,2%.
Les réponses budgétaires à la crise ont permis aux entreprises d’embaucher massivement. Certains secteurs sont particulièrement concernés : la restauration, le commerce, le BTP, les services aux ménages ou les activités récréatives. Cependant, la question demeure de savoir comment augmenter la productivité de manière durable et comment limiter les conséquences financières sur le régime des retraites.