L’ACTU VUE PAR – La majeure partie des chefs d’État africains ont répondu présent à l’appel de Joe Biden, qui accueillera à Washington une vingtaine de présidents et chefs de gouvernement pour le sommet Afrique-États-Unis. Le sommet, pour sa partie « officielle », portera essentiellement sur des questions économiques – en particulier l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) –, sur les enjeux climatiques ou encore sur la place de la société civile. Les questions de sécurité et de gouvernance n’en seront pour autant pas exclues des discussions, notamment dans le cadre d’une rencontre prévue le mardi 13 décembre.
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À quelques jours de l’ouverture de ce sommet, l’ambassadeur et envoyé spécial pour les États-Unis à Tripoli revient pour Jeune Afrique sur l’épineuse question libyenne, et livre sa vision des voies à suivre pour parvenir, enfin, à sortir le pays de la crise dans laquelle il est plongé depuis plus d’une décennie.
Jeune Afrique : Les violences récurrentes s’accentuent ces dernières semaines en Libye. Pensez-vous qu’une guerre civile puissent éclater ?
Richard Norland : Le meurtre de 32 personnes à Tripoli en août dernier a tiré la sonnette d’alarme pour toutes les parties concernées. Tant qu’il n’y aura pas de progrès vers une solution à long terme, le risque de violence, qui pourrait s’intensifier, sera toujours présent. Or aucune avancée ne sera possible dans un contexte aussi meurtrier, et il est important que chacun s’engage en faveur d’une solution exclusivement politique.
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La pression exercée par les Nations unies et les États-Unis pour la tenue d’élections l’année dernière n’a-t-elle pas été une erreur ?
Je ne dirais pas que cela a été une erreur. Les États-Unis n’étaient pas les seuls à les réclamer, les Nations unies et l’ensemble de la communauté internationale étaient de la partie, tout comme l’ensemble des forces politiques libyennes, y compris les 2,8 millions d’électeurs qui se sont inscrits sur les listes. La leçon à tirer de tout cela est que tous les dirigeants doivent s’engager à accepter les résultats du vote, même s’ils ne gagnent pas. Tout le monde a intérêt à voir ce scrutin advenir et la déception a été énorme lorsqu’il a été annulé.
Le Premier ministre de transition, Abdulhamid al-Dabaiba, a décidé de prolonger sa mission, et ignore l’accord qui prévoyait la tenue d’élections en 2022. Comment interprétez-vous sa position ?
Le Premier ministre insiste désormais beaucoup plus sur l’importance de tenir des élections. Bien sûr, tout le monde aimerait voir plus de progrès, et cela ne dépend pas seulement du gouvernement d’union nationale [GNA] – la Chambre des représentants, le Haut Conseil d’État et d’autres acteurs ont également un rôle à jouer.
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Nous le considérons comme un chef de gouvernement intérimaire et la Libye n’a pas besoin d’une autre équipe de ministres intérimaires. Nous avons clairement fait savoir à toutes les parties que le pays devait organiser des élections le plus rapidement possible.
Comment l’Union africaine (UA) peut-elle contribuer à la résolution de cette crise politique ?
L’UA peut jouer un rôle important dans la sortie de cette impasse, en soutenant le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Abdoulaye Bathily. Mais cette possibilité est souvent sous-estimée.
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Les dirigeants africains ont une grande compréhension de la situation libyenne et ont intérêt à voir un conflit régional s’apaiser. Par exemple, l’UA travaille activement avec le Conseil présidentiel libyen sur un forum de réconciliation qui pourrait rassembler les camps opposés, et les États-Unis proposent de soutenir ce forum.
Une fois la stabilité politique enfin revenue, comment le secteur énergétique libyen pourrait-il évoluer ?
Les recettes énergétiques quotidiennes du pays ont considérablement augmenté, et la gestion de ces fonds est de la plus haute importance. Toutes les parties doivent se mettre d’accord sur un mécanisme permettant de dépenser ces sommes et de les suivre pour éviter qu’elles ne soient détournées au profit d’intérêts partisans ou de milices.
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Pour y parvenir, il faut une coordination entre les autorités libyennes et le GNA ; le Haut Conseil d’État et la Chambre des représentants ont chacun présenté leur propre proposition. Avec les partenaires du groupe de travail économique du processus de Berlin [UE, Égypte et UNSMIL, la Mission des Nations unies en Libye], les États-Unis sont prêts à aider les Libyens à synchroniser ces approches.
Est-il possible pour les États-Unis de conclure de nouveaux accords énergétiques avec les autorités libyennes ?
Le GNA a récemment annoncé la levée de la force majeure sur les activités d’exploration pétrolière et gazière et a appelé les compagnies internationales à reprendre leurs opérations, ce qui est un bon signe. Des compagnies américaines s’intéressent aux ressources énergétiques libyennes, mais elles se préoccupent également de la stabilité politique. Plus vite la situation sera apaisée, plus vite le pays pourra tirer le meilleur parti de ses réserves d’hydrocarbures.