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Essoufflé, Fadilou Mbaye, 15 ans, dribble sur le bord du terrain avant l’arrivée du coach pour l’entraînement. Côté pelouse, une vingtaine de jeunes joueurs en tenue rouge se passent le ballon et tirent au but. « Les meilleurs footballeurs sénégalais sont passés par là. Je veux faire comme Sadio Mané, devenir professionnel et que ma mère soit fière de moi », lance le jeune homme, latéral droit dans l’équipe des minimes.
L’académie Génération Foot, située dans le village de Déni Biram Ndao, à 40 kilomètres au nord de Dakar, a vu passer les grandes stars de l’équipe nationale : Sadio Mané, Habib Diallo, Pape Matar Sarr ou Ismaïla Sarr, l’auteur du but décisif contre l’Equateur, qui a envoyé le Sénégal en huitièmes de finale du Mondial au Qatar. Les Lions de la Teranga, vainqueurs de la Coupe d’Afrique des nations en février, joueront contre l’Angleterre le dimanche 4 décembre.
Partout dans les locaux de l’académie créée en 2000 sont affichés les portraits de ces grands footballeurs qui font rêver les 117 jeunes actuellement en formation. A l’origine du projet, Mady Touré qui a voulu créer un centre « pour fournir de grands footballeurs au Sénégal ». Pari réussi : avec dix-huit joueurs sélectionnés en équipe nationale, le président de Génération Foot, à la fois centre de formation et club professionnel, se targue d’être l’un des « pourvoyeurs du football sénégalais ».
Partenariat avec les clubs de Nancy et de Metz
Après plus de vingt ans de travail, le club professionnel évolue maintenant en ligue 1 du championnat sénégalais et le centre de formation s’étend sur dix-huit hectares, avec deux grands terrains de foot, un troisième synthétique en construction, un internat et un lycée. Ici, les joueurs sont pris en charge gratuitement.
Pour financer ce projet, Mady Touré a dès le début compté sur un partenariat, d’abord noué avec le club de Nancy puis avec le FC Metz, qui l’accompagne encore aujourd’hui. « Puisque la FIFA a instauré une réglementation qui interdit les transferts de mineurs, j’ai pensé qu’il fallait un centre au Sénégal où les joueurs font leur préformation. Puis les plus talentueux continuent leur carrière au FC Metz quand ils ont plus de 18 ans », explique M. Touré. Le club français, lui, fait son choix en fonction de ses besoins.
Le partenariat est « gagnant-gagnant » selon l’homme d’affaires : d’un côté, l’académie sénégalaise bénéficie des financements messins pour offrir une formation dans de bonnes conditions. Et, de l’autre, le club français récupère chaque année deux à quatre joueurs, dont beaucoup ont ensuite été « bien vendus ». Certains ont même été transférés très rapidement après leur arrivée au FC Metz, comme Ismaïla Sarr qui est parti à Rennes au bout d’un an pour 17 millions d’euros.
Tous les joueurs, ici, ne rêvent que d’Europe
Recruté à Génération Foot en 2016, Abdoulaye Fall Beye, aujourd’hui 20 ans, rêve de reproduire le parcours de ses modèles. « J’espère décrocher un contrat en Europe pour être bien payé et bénéficier de meilleures structures », explique le défenseur axial de l’équipe professionnelle, qui travaille dur. Tous les jours, il fait une à deux séances d’entraînement, sans compter la musculation, la préparation physique et l’analyse vidéo des équipes adverses. Le jeune joueur reste tout de même réaliste sur les difficultés à faire carrière. « La sélection pour le FC Metz est corsée. Je suis ouvert à aller dans d’autres clubs, mais pas au Sénégal », continue-t-il.
Car tous les joueurs, ici, ne rêvent que d’Europe. « Je veux aller là-bas pour progresser, gagner en compétences et en performances afin d’intégrer l’équipe nationale de Guinée et gagner la Coupe d’Afrique des nations », vise Mohamed Camara, milieu de terrain guinéen de l’équipe professionnelle, recruté par Génération Foot en octobre. « Je joue aussi pour ma famille qui n’a pas beaucoup de moyens », témoigne le jeune homme, qui est payé 75 000 francs CFA (quelque 115 euros) par mois, sans compter les primes de matchs.
Mady Touré s’est résigné à cette fuite des talents africains vers l’Europe. « Nous avons envoyé des joueurs jusqu’en Chine, au Maroc ou en Guinée. Si la porte est ouverte à tous, nous avons une préférence pour le marché européen, concède l’homme d’affaires. Nous n’avons pas les moyens de payer suffisamment les joueurs de qualité pour les garder au Sénégal », se justifie M. Touré, qui appelle les autorités à subventionner les clubs pour maintenir les footballeurs prometteurs au pays.
Un rythme de travail intense
Pour donner un maximum de chances à ses jeunes, l’académie a adopté un programme afin que les joueurs montent en compétences. « Ils doivent gagner en vitesse et avoir des qualités techniques car le football est devenu très rapide », explique Bassouaré Diaby, directeur du centre de formation depuis trois ans. Un autre aspect touche aussi au mental, afin de s’assurer que les footballeurs pourront « jouer sous pression et ne jamais lâcher quand c’est dur ».
Fadilou Mbaye a donc très vite compris que le rythme de travail serait intense. « Je cours vite et je suis très technique, mais je dois travailler le physique car je ne suis pas très costaud. Je m’entraîne alors dans la salle de musculation avant d’aller sur le terrain », explique le jeune garçon, qui est en parallèle en classe de troisième et prépare le brevet de fin d’études moyennes.
Car moins de 5 % des jeunes de l’académie vont réussir à construire une véritable carrière professionnelle selon Mady Touré. « Nous insistons sur les études afin qu’ils soient diplômés et instruits », explique-t-il. Dans le lycée, soixante-sept élèves suivent les cours de la sixième à la terminale, avec un taux de réussite de 100 % au baccalauréat en 2021. « Nous proposons aussi des formations professionnelles dans la communication par exemple, pour leur offrir des débouchés », continue Mady Touré. Le défenseur Abdoulaye Fall Beye, lui, s’est lancé dans des études de commerce international en ligne : « J’ai eu mon bac ici et je voulais continuer mes études car il n’y a pas que le foot, qui est un métier très concurrentiel et aléatoire. »