L’ancien président des Comores, Ahmed Abdallah Sambi, 64 ans, qui est aussi le principal opposant à l’actuel chef de l’Etat, a été condamné lundi 28 novembre à la réclusion à perpétuité dans un procès pour « haute trahison » qu’il dénonce comme inéquitable.
La Cour de sûreté de l’Etat est une juridiction spéciale dont les décisions ne peuvent pas faire l’objet d’appel. M. Sambi « est condamné à la perpétuité et à la dégradation civique de tous les droits politiques et civils », c’est-à-dire son droit de vote et d’éligibilité, et « la Cour ordonne la confiscation de ses biens et avoirs », a lu son président Omar Ben Ali à l’audience.
M. Sambi, barbe blanche et boubou bleu, était brièvement apparu la semaine dernière au premier jour du procès, visiblement affaibli après quatre ans de détention préventive alors que la durée légale est fixée à huit mois. « La composition du tribunal est illégale, je ne veux pas être jugé par cette cour », avait-il déclaré, avant de refuser de se présenter pendant toute la suite des débats.
Un préjudice de 1,8 milliard d’euros pour le gouvernement
M. Sambi est accusé d’être impliqué dans le scandale de la « citoyenneté économique ». L’ancien président (2006-2011) avait fait voter en 2008 une loi permettant de vendre au prix fort des passeports à ceux en quête d’une nationalité. Un moyen de renflouer les caisses de l’Etat en offrant une terre d’accueil administrative, notamment aux dizaines de milliers de « bidoun », bédouins des pays du Golfe considérés comme des citoyens de seconde zone dans leur patrie et privés de documents d’identité.
« Cette peine est tout à fait cohérente avec ce que nous avons vu jusqu’ici, une mascarade judiciaire guidée par des membres du gouvernement et qui s’est soldée par l’emprisonnement à vie du plus grand opposant politique au régime actuel », a réagi Tisslame Sambi, la fille de l’ex-président. Son avocat, Mahamoudou Ahmada, qui s’adressait à la presse depuis son bureau, a assuré qu’il s’attendait à ce que la cour suive les réquisitions concernant la perpétuité. « Mais ce qui m’interroge, c’est la déchéance des droits civiques de M. Sambi qui n’a pas été demandée par le parquet », a-t-il ajouté.
M. Sambi était accusé d’avoir détourné une fortune dans le cadre de ce programme de vente de passeports. Le préjudice pour le gouvernement s’élève à plus de 1,8 milliard d’euros, selon le procureur, soit plus que le PIB du petit archipel pauvre dans l’océan Indien. « Ils ont donné à des voyous le droit de vendre la nationalité comorienne comme on vendrait des cacahuètes », avait fustigé un avocat de l’accusation, Me Éric Emmanuel Sossa. Lundi, ce dernier a estimé que la peine prononcée, « malgré sa sévérité apparente », était « conforme à la gravité des faits ».
D’autres peines allant de dix à vingt ans de prison
Mais selon l’avocat français de la défense, Me Jean-Gilles Halimi, « aucune trace de cet argent n’a été démontrée, aucun compte découvert ». M. Sambi était initialement poursuivi pour corruption. En septembre, les faits avaient été requalifiés en haute trahison, crime qui « n’existe pas en droit comorien », avait insisté Me Halimi. La Cour devra « se faire une construction juridique de cette notion », avait précisé l’ordonnance de renvoi.
La défense a dénoncé l’illégalité de cette juridiction, arguant que son président avait déjà siégé à la chambre d’accusation. Le secrétaire général du gouvernement, Daniel Ali Bandar, s’est dit « satisfait » que le procès se soit déroulé « dans le calme ». Mais il attend « la suite au tribunal civil car plus que les peines de prison, les Comoriens veulent savoir ce qu’il est advenu des millions d’euros qui ont été détournés ».
Parmi les autres prévenus de cette affaire, l’homme d’affaires franco-syrien Bachar Kiwan a été condamné à dix ans de prison. La justice comorienne a lancé un mandat d’arrêt international contre lui. Et l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi, finaliste de l’élection présidentielle de 2016, a écopé de vingt ans de prison. Absent au procès, il avait bénéficié d’une autorisation de voyage en octobre.