Journée de promotions massives en magasins et sur internet, le Vendredi fou a démarré vendredi aux États-Unis sous le regard de commerçants qui espèrent que les consommateurs seront au rendez-vous, malgré une inflation persistante et des inquiétudes sur les perspectives économiques.
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La première économie mondiale fait face depuis plusieurs mois à une envolée des prix, qui jette un voile sur l’ensemble de la période des Fêtes de fin d’année.
Les premières données, concernant le jeudi de Thanksgiving et publiées par Adobe, semblaient être plutôt rassurantes pour le secteur, avec 5,3 milliards de dollars dépensés pour des achats en ligne, en hausse de 2,9 % sur un an.
Cette hausse souligne cependant que les volumes n’ont pas nécessairement augmenté, car l’inflation était à 7,7 % sur un an au mois d’octobre, un rythme beaucoup plus élevé.
D’autant que sur l’ensemble de la saison des fêtes, Adobe n’anticipe qu’une hausse de 2,5 % des ventes sur internet, à peine un tiers de la hausse observée il y a un an à la même époque.
Au-delà de l’inflation, Adobe cite l’effet de la hausse des taux par la Réserve fédérale (Fed), précisément pour lutter contre l’inflation, ainsi qu’une légère hausse des achats en magasin, plutôt qu’en ligne.
Des inquiétudes que l’on retrouve également en Europe, où le Black Friday s’est popularisé depuis environ une décennie.
Au Royaume-Uni, GlobalData anticipe un recul du volume de ventes pour les journées commerciales de Black Friday, malgré une progression du chiffre d’affaires.
En Espagne, les dépenses des internautes devraient atteindre en moyenne 183 euros, contre 200 euros l’an dernier, selon le cabinet spécialisé Tandem up.
Risques de surstocks
L’an dernier, les préoccupations étaient différentes, le secteur devant faire face à des difficultés d’approvisionnement à cause de la désorganisation du transport mondial et des fermetures d’usines provoquées par la pandémie.
Pour éviter pareille mésaventure, les industriels ont anticipé leurs commandes avec, cette fois, un risque de surstocks, alors que les consommateurs réduisent leurs dépenses.
« Hier, le problème c’était les pénuries d’approvisionnement, aujourd’hui c’est d’avoir trop de choses », résume Neil Saunders, directeur général du cabinet spécialisé GlobalData Retail.
Selon lui, le trop-plein de commandes pourrait profiter aux chasseurs de bonnes affaires dans de nombreux secteurs, comme l’électronique ou l’habillement.
Pour de nombreux Américains, la hausse du coût de l’essence et de l’alimentaire représente un défi, mais tous ne sont pas égaux face à l’inflation. « Les bas revenus sont clairement plus touchés », rappelle Claire Li, analyste pour Moody’s, « car ils dépensent proportionnellement plus dans les produits essentiels ».
Jusqu’ici, les consommateurs américains se sont montrés peu sensibles aux diverses crises traversées depuis le début de la pandémie, dépensant plus qu’attendu, même quand les indicateurs de confiance soulignaient leurs inquiétudes.
« Pression continue »
Une partie de l’explication est à chercher du côté d’une épargne inhabituellement élevée chez de nombreux foyers ayant profité d’aides gouvernementales durant la pandémie, alors que la consommation était au plus bas.
Mais le coussin commence à s’affaisser: après un pic de 2.500 milliards de dollars mi-2021, l’épargne américaine est retombée à 1.700 milliards de dollars un an plus tard, selon Moody’s.
Les consommateurs avec un revenu annuel inférieur à 35.000 dollars sont les premiers concernés, leur épargne ayant baissé de 39 % au premier semestre. Conséquence: les crédits à la consommation sont en hausse, selon les données de la Réserve fédérale.
« On voit une pression continue », explique Michael Witynski, directeur général de la chaîne à bas prix Dollar Tree, qui observe une « évolution » des consommateurs « bien plus concentrés sur leurs besoins et qui tentent de s’assurer d’avoir suffisamment d’argent pour finir le mois ».
Les résultats du secteur de la vente au détail offrent un tableau contrasté de la santé des consommateurs.
La chaîne Target a accusé le coup face à la forte baisse des achats en octobre, présage d’une mauvaise saison de Noël. Le groupe table sur de fortes promotions pendant les fêtes, selon son directeur général Brian Cornell.
« Les consommateurs font face à une inflation persistante trimestre après trimestre », a-t-il expliqué lors d’une conférence téléphonique avec des analystes, « ils se montrent très prudents, sont très attentifs et se disent « d’accord, si je dois acheter, je veux faire une très bonne affaire »».
Chez Lowe’s, spécialiste du bricolage et de la décoration, l’ambiance est toute autre, avec un troisième trimestre « solide » et aucun signe d’essoufflement attendu. « Nous n’observons rien qui ressemble à un repli des achats », a estimé son directeur général, Marvin Ellison.