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« Le projet américain de divorcer économiquement de la Chine pourrait rendre le monde beaucoup plus dangereux »

« Le projet américain de divorcer économiquement de la Chine pourrait rendre le monde beaucoup plus dangereux »


Et s’il s’agissait de l’un des plus grands échecs de la politique étrangère de Washington ? Telle est, du moins, l’une des interrogations qu’ouvre la lecture de l’ouvrage qu’Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales de l’Economist Intelligence Unit, vient de publier sur les sanctions économiques américaines (Backfire, Columbia University Press, non traduit). Aujourd’hui, explique-t-elle, quelque soixante-dix programmes de cette nature mis en place par les Etats-Unis ciblent plus de neuf mille entreprises, personnes et secteurs à peu près partout sur la planète.

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Et pourtant, « l’histoire montre que, la plupart du temps, les nations résistent et les sanctions échouent », tranche Agathe Demarais. En témoigne Cuba, où le régime castriste n’a guère été ébranlé par soixante ans d’embargo américain, ou la Corée du Nord. Si, le plus souvent, les mesures prises ont des conséquences potentiellement terribles sur l’économie et les populations, elles échouent à changer la nature des régimes. « Une revue de tous les programmes américains depuis les années 1970 montre que seuls 13 % des pays ciblés ont modifié leur comportement dans le sens espéré par Washington », ajoute l’économiste.

Dans un ouvrage également consacré au sujet (The Economic Weapon. The Rise of Sanctions as a Tool of Modern War, Yale University Press, non traduit), l’historien Nicholas Mulder souligne, quant à lui, qu’au XXe siècle les sanctions économiques se sont souvent révélées contre-productives. Dans les années 1930, celles visant à arrêter les agresseurs, notamment l’Allemagne nazie et le Japon impérial, n’ont pas empêché la seconde guerre mondiale – pire, elles ont poussé ces Etats à développer leur autosuffisance et à se radicaliser un peu plus encore.

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Et pour cause : les embargos ont une chance de fonctionner uniquement lorsqu’ils sont imposés sur une courte durée, dans un objectif très précis, par un large cercle de pays alliés et ce, à l’encontre d’un Etat disposant d’un système électoral multipartite, où la pression des populations affectées par les sanctions peut influencer les dirigeants. « Soit l’exact opposé de la plupart des sanctions américaines », constate Agathe Demarais, soulignant que celles-ci sont peu efficaces contre les autocraties. « Par définition, les régimes autoritaires n’ont aucune intention d’abandonner le pouvoir ; dans bien des cas, leurs leaders signeraient leur arrêt de mort. »

Interrogation vertigineuse

Que faut-il en conclure à propos des mesures prises à l’encontre de Moscou depuis le début de l’invasion ukrainienne ? Seront-elles plus efficaces que celles adoptées en 2014 après l’annexion de la Crimée ? Soulignons d’abord que les difficultés économiques traversées par l’Europe ne sont en aucun cas provoquées par ces sanctions – elles sont infligées par la Russie coupant l’approvisionnement en gaz. Les mesures de rétorsion affaiblissent progressivement l’économie russe, compliquent le financement de l’armée et soulignent l’unité du camp occidental. C’est déjà beaucoup. Mais elles ne mettront pas un terme à la guerre à elles seules.

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