Voilà un peu plus de six mois qu’Elisabeth Borne est arrivée à Matignon. Un peu plus de six mois que l’ancienne préfète, appelée à gérer l’urgence climatique autant que les tensions sur les prix de l’énergie, sur fond de guerre en Ukraine, mesure jour après jour pourquoi la résidence des premiers ministres est surnommée « l’enfer ». « Je ne lis plus que les notes positives ! », dit-elle en plaisantant. La dernière en date de Réseau de transport d’électricité (RTE) est loin de l’être. Rendue publique vendredi 18 novembre, elle a pourtant bien été lue par la locataire de Matignon et ses équipes.
Présentant les perspectives du système électrique pour l’automne et l’hiver 2022-2023, le texte ravive le scénario, décrit comme « cauchemardesque » au sein du gouvernement, de possibles coupures d’électricité. Selon RTE, il existe désormais un risque « élevé » de tensions sur le réseau électrique français en janvier 2023, en raison du redémarrage plus lent que prévu de réacteurs nucléaires EDF. « Imaginez, la France, sixième puissance mondiale, dont on a vanté pendant un demi-siècle les fleurons de l’industrie nucléaire ! », souffle-t-on à Bercy.
Mise à l’ordre du jour de la réunion des quarante et un ministres à Matignon, la veille, la menace, hier jugée hautement improbable, est donc prise au sérieux, même si certains communicants s’étonnent : jusqu’ici, la consigne était de ne pas faire paniquer les Français. « Notre travail, ce n’est pas de s’inquiéter mais de se préparer », explique-t-on au cabinet de la première ministre.
« Notre crainte, c’est l’hiver très rude »
Pour envisager le pire, une cellule interministérielle de crise (CIC), dite d’anticipation, a été mise en place depuis un mois déjà. Logée dans les sous-sols du ministère de l’intérieur, présidée par Aurélien Rousseau, directeur du cabinet de la première ministre, et dirigée par la préfète Anne Clerc, elle réunit une à deux fois par semaine les représentants des différents ministères ainsi que des responsables de RTE et d’Enedis. L’enjeu : cibler les risques et les conséquences de ces possibles coupures, appelées pudiquement des « délestages tournants ».
Concrètement, l’électricité serait coupée pendant deux heures dans certaines zones géographiques pour soulager le réseau. Le délestage est dit tournant, car le « black-out » ne touchera pas toujours les mêmes territoires. Les hôpitaux ou les prisons seront d’emblée exclus de ces coupures. « Nous travaillons en ce moment à maintenir l’électricité des cœurs de réseau, ce qu’on aurait appelé autrefois les centraux téléphoniques, pour préserver les appels d’urgence », souligne aussi un représentant du gouvernement.
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