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les élus locaux redoutent une « gueule de bois » postolympique pour le sport

les élus locaux redoutent une « gueule de bois » postolympique pour le sport


La création du centre aquatique à Saint-Denis (ici le chantier en août 2022) est l’un des gros investissements réalisés dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques.

Cette crainte-là est palpable depuis quelques semaines. Elle est imagée par David Lazarus (divers gauche), maire de Chambly (Oise) : « Il y a un risque d’immense gueule de bois en octobre 2024 », redoute celui qui est aussi coprésident de la commission sport et Jeux olympiques et paralympiques de l’Association des maires de France et vice-président de l’Agence nationale du sport.

Alors que la France est encore en phase de préparation des Jeux de 2024 (du 24 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre), c’est la période qui suivra l’été olympique et paralympique qui suscite l’appréhension. Celle de devoir composer avec des lendemains qui déchantent.

A l’image de M. Lazarus, de nombreux élus – au titre de leurs fonctions locales en prise avec la réalité du monde associatif sportif, ou se faisant le relais de celui-ci – expriment le même questionnement : « La hausse des crédits pour le sport dans la perspective des Jeux n’aura-t-elle été qu’un feu de paille ? », comme le dit le sénateur Jean-Jacques Lozach (PS), rapporteur sur la partie sport du projet de loi de finances pour 2023, dont l’examen a débuté au Sénat jeudi 17 novembre.

Les crédits du ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques ont progressé de 1,08 milliard d’euros en 2021 à 1,13 milliard cette année, et se situeront à 1,15 milliard en 2023. « Le risque est grand qu’une fois les Jeux terminés, la lumière budgétaire s’éteigne sur la scène sportive », avertit la députée Claudia Rouaux (PS), rapporteure sur le projet de budget sport.

« Nouvelles discussions, nouveaux arbitrages »

L’appréhension d’une dépression postolympique est alimentée par la trajectoire tracée par le gouvernement pour les trois années à venir : les crédits consacrés au sport (hors Jeux) devraient enregistrer « une baisse de 20 % » entre 2023 et 2025, relève le sénateur Claude Kern (UDI-Union centriste).

« Si jamais l’Etat se désengage du soutien au sport pour tous, on risque le décrochage » au niveau des communes, s’alarme David Lazarus. « Le sport doit rester au cœur de notre modèle de société. Parce que le sport est bon pour la santé, le vivre ensemble, la socialisation, le respect des règles… On a un beau modèle qui tient, parce que les élus du quotidien n’ont pas baissé les bras. »

Les inquiétudes sont d’autant plus vives que, même si Emmanuel Macron, avec la perspective des JO, considère que le sport « c’est hyperimportant », comme il l’a dit en juin en annonçant l’extension du Pass sport aux étudiants boursiers (allocation de 50 euros pour l’acquisition d’une licence), le début de son premier quinquennat a eu du mal à le montrer. « Il a été une occasion ratée, avec des budgets en baisse les deux premières années », rappelle le député Stéphane Peu (PCF).

« L’évolution des crédits en 2024 et 2025 est une présentation à titre indicatif, et cela donnera lieu à de nouvelles discussions, de nouveaux arbitrages », a fait valoir la ministre des sports et des Jeux, Amélie Oudéa-Castéra, lors d’une audition au Sénat, le 2 novembre.

Appel à un « plan Marshall » pour les équipements sportifs

Pour tenter de dissiper les craintes, la ministre met en exergue les actions « en faveur du sport autour et à l’école » (trente minutes d’activité à l’école, deux heures en plus au collège) et celles concernant le sport santé : « des transformations durables qui ne s’arrêteront pas, quoi qu’il arrive après les Jeux ».

Mais les élus demandent avant tout des moyens stables, « pour développer une politique du sport dans la durée », insiste le sénateur Claude Kern. « Une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle du sport serait un signal fort », appuie Claudia Rouaux, qui appelle à « un grand plan Marshall de construction et de rénovation des équipements sportifs, avec une enveloppe de 500 millions d’euros par an ».

Saluant la mise en œuvre, à la fin de 2021, du plan Macron de financement (200 millions d’euros) de cinq mille équipements de proximité (plateaux multisports, terrains de basket 3 × 3, skateparks, etc.) d’ici aux JO 2024, les élus réclament la poursuite d’investissements matériels importants. Avec une urgence : construire des équipements structurants (stades, gymnases, piscines) et rénover ceux qui existent. « Un quart n’a jamais été modernisé, alors qu’ils ont plus de quarante ans », rappelle Jean-Jacques Lozach.

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L’Agence nationale du sport (ANS) a été chargée d’identifier les lieux et les sports cibles des investissements prioritaires en matière d’équipements structurants. « Il y aura la nécessité d’avoir un regard très attentif en sortie des Jeux sur ces équipements pour, le cas échéant, calibrer un plan de soutien », convient Amélie Oudéa-Castéra.

L’urgence de la rénovation thermique

L’enjeu de la rénovation des équipements sportifs, notamment des piscines, a pris encore plus d’importance avec la hausse des prix de l’énergie. Sur le cliché, des enfants de quartiers défavorisés plongent alors qu’ils apprennent à nager dans le cadre d’un projet social « Un pas vers la mer » à Marseille, le 27 juillet 2022.

Avec la hausse des prix de l’énergie, l’enjeu de la rénovation a cependant pris, dès à présent, encore plus d’importance. « On a des équipements vieux et énergivores. Il faut un vrai plan d’urgence de rénovation bioclimatique, plaide David Lazarus. Avec l’envol des prix de l’énergie, il y a le risque de devoir fermer des équipements pour faire des économies. »

Le plan de rénovation thermique, lancé par le gouvernement, est supposé répondre, pour partie, à cet enjeu. « Il y a une dynamique en cours », avance Mme Oudéa-Castéra, qui met en avant une « première enveloppe de 50 millions d’euros ayant financé 166 dossiers en 2021 avec une diminution moyenne projetée de 48 % de la consommation énergétique annuelle ». Cinquante millions d’euros sont encore engagés pour 2022 et 2023.

Pour ce qui concerne la rénovation thermique des seules piscines, 12 millions d’euros ont été débloqués. Trente projets ont été soutenus par l’ANS. « Il y a la volonté de continuer cet effort », explique la ministre, qui souhaite aussi « trouver des synergies avec le Fonds vert, créé pour accompagner les collectivités territoriales ». Doté de 2 milliards d’euros, ce fonds doit servir à rénover les bâtiments publics.

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Pour David Lazarus il faudrait que l’effort de rénovation pour les équipements sportifs ne soit « pas fondu dans le Fonds vert, mais fléché et confié à l’ANS ». « Il ne faut pas que les élus soient contraints d’avoir à choisir entre école, Ehpad ou équipements sportifs », estime le maire de Chambly.

Face aux craintes d’une dépression postolympique, la ministre des sports considère que les différentes actions engagées témoignent de « la conviction, au plus haut niveau de l’Etat, que le sport est un outil fondamental » et qu’elles « visent précisément à éviter un retour en arrière ». Mais Mme Oudéa-Castéra prévient aussi qu’il y aura un « rendez-vous en 2024 » pour « un examen d’efficacité sur notre politique sportive et notre modèle sportif ». Si, comme elle l’assure, « la lumière ne s’éteindra pas lorsque nous clôturerons les Jeux », reste à savoir quelle en sera l’intensité.

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