Des millions de Russes se disent « angoissés » ou « inquiets » de la situation autour de l’Ukraine, alors que les dépenses pour les antidépresseurs ont bondi de 70%.
Ventes d’antidépresseurs et consultations de psychologues qui explosent: après des mois d’offensive militaire en Ukraine, l’angoisse est au plus haut chez de nombreux Russes, rattrapés par un conflit qu’ils s’étaient efforcés d’ignorer. L’annonce fin septembre de la mobilisation de centaines de milliers de réservistes a fait entrer le conflit dans le quotidien de nombreuses familles en Russie, où son impact sur la population était minimisé par le Kremlin.
Outre le choc provoqué par la mobilisation, l’enlisement du conflit et des déclarations de plus en plus alarmistes de Moscou agitant la menace nucléaire stressent également les Russes.
« Plus rien n’avait de sens »
Dès l’annonce de l’intervention, le 24 février, Vassilina Kotova, une Moscovite de 22 ans, se souvient avoir été « carrément paralysée ».
« Pendant deux mois, je ne suis pas sortie de chez moi, plus rien n’avait de sens », raconte cette étudiante en informatique, qui dit « ne survivre qu’avec (ses) antidépresseurs, comme nombre de (ses) amis ».
« Tu penses d’abord que tu l’as échappé belle, que tu n’es pas touchée personnellement et que tes amis sont fous de quitter le pays », dit cette blonde au teint pâle. « Et soudain, l’idée que c’est toi la folle commence à t’angoisser », raconte-t-elle. Et son inquiétude s’est décuplée ces dernières semaines avec la mobilisation, l’étudiante craignant que son frère et son père ne soient appelés.
Les ventes d’antidépresseurs en hausse
Fin septembre, après l’annonce de la mobilisation, 70% des Russes se disaient « angoissés », un taux record jamais enregistré par l’Institut de sondage FOM, favorable au Kremlin. Un mois plus tard, le Centre Levada, un institut indépendant, rapportait que près de 9 Russes sur 10 se disaient « inquiets » de la situation autour de l’Ukraine.
Dans ce climat, les dépenses pour les antidépresseurs ont bondi de 70%, et de 56 % pour les calmants, au cours des neuf premiers mois de l’année, par rapport à la même période en 2021, selon les autorités.
« Le pays entier sera traumatisé pour longtemps »
Le service de consultations psychologiques en ligne YouTalk a vu « le nombre de demandes augmenter de 40% depuis la mobilisation », indique sa co-fondatrice, la psychologue Anna Krymskaïa, avec « une augmentation de 50% du nombre de personnes se plaignant de dépression ».
Et alors que le conflit perdure, les psychologues s’inquiètent déjà de ses retombées à long terme.
Amina Nazaralieva, psychologue-sexologue à la clinique privée Mental Health à Moscou, redoute déjà le retour des réservistes dont une partie souffrira « immanquablement de troubles de stress post-traumatique et d’alcoolisme ». « Le pays entier sera traumatisé pour longtemps », conclut-elle.