« Les Jeux financent les Jeux ». A l’image d’Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques devant les députés le 12 octobre, les pouvoirs publics répètent inlassablement, depuis des semaines, qu’il ne saurait être question que de l’argent public soit utilisé pour rééquilibrer un budget des Jeux olympiques et paralympiques (du 24 juillet au 11 août, puis du 28 août au 9 septembre 2024) qui serait déficitaire.
La réaffirmation de cet engagement semble toutefois avoir du mal à convaincre. « A moins de deux ans des Jeux de Paris 2024, et si notre capacité à les organiser ne fait pas de doute, il n’est plus garanti que le pays organisateur n’aura pas à combler un déficit à l’issue des Jeux de Paris 2024 », considèrent les sénateurs Laurent Lafon (Union centriste) et Jean-Jacques Lozach (Socialiste, écologiste et républicain).
« Les principales inquiétudes se concentrent sur le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) qui peine à boucler son budget », poursuivent les sénateurs dans l’avis sur le projet de loi de finances pour 2023 rédigé au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et publié mercredi 9 novembre.
Le Cojop est l’une des deux structures créées pour mettre sur pied l’événement sportif, et son budget (3,98 milliards d’euros) est à 97 % privé. L’autre « acteur » des Jeux est la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), chargée de la construction des sites, qui a reçu 1,7 milliard d’euros de financements publics (sur un budget total de 3,7 milliards).
Le Cojop est engagé depuis plusieurs semaines dans une réévaluation de ses dépenses et de ses recettes, et la présentation d’un budget réactualisé est prévue pour le 12 décembre lors d’une réunion de son conseil d’administration. La dernière révision budgétaire pluriannuelle avait eu lieu en décembre 2020.
50 % des marchés du Cojop restent à conclure
« Le coût des prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pourrait croître de manière significative compte tenu en particulier de la hausse de l’inflation », rappellent MM. Lafon et Lozach dans leur avis.
Pour ce qui concerne le Cojop, les estimations du surcoût occasionné par la hausse des prix « sont en train d’être affinées, mais on sera dans une enveloppe supérieure à ce que l’on a pu enregistrer à la Solideo et ses 150 millions d’euros », a expliqué Mme Oudéa-Castéra le 2 novembre devant les sénateurs, à qui elle présentait son projet de budget 2023.
La Solideo a prévu une hausse de son budget en raison de l’inflation de l’ordre de 150 millions d’euros, que l’Etat prendra à charge pour les deux tiers, les collectivités locales concernées par les constructions olympiques devant financer le tiers restant.
« A la différence de la Solideo, 50 % des marchés du Cojop restent à conclure. Il y a une exposition structurelle [à la hausse des prix] qui est plus forte pour le comité d’organisation », avait souligné la ministre des sports, le 2 novembre au Sénat.
« Des arbitrages parfois difficiles, douloureux, courageux »
L’inflation n’est toutefois pas le seul élément à faire peser des risques de dérive sur le budget du Cojop. « Un chiffrage très fin est en cours des écarts qui ont pu être liés à des évolutions du projet » depuis fin 2020, a expliqué Mme Oudéa-Castéra aux sénateurs le 2 novembre, citant notamment la création d’« une cérémonie d’ouverture pour les Jeux paralympiques », « les évolutions de la carte des sites de compétition », « les éléments liés à la sécurité privée dont nous savons que c’est un métier en tension, avec un accord récent visant à revaloriser les salaires (+ 7,5 %) dans cette filière », ou encore « la masse salariale ».
Face aux sénateurs, la ministre a assuré que le budget du Cojop « devra être le plus proche possible de l’équilibre ». Elle n’a pas dit qu’il devrait être à l’équilibre. Elle a d’ailleurs ajouté, comme elle l’avait déjà fait le 12 octobre devant ces mêmes sénateurs, que « nous aurons certainement pour cela besoin de mobiliser une partie de la réserve pour aléas ».
Mais, avant d’aller piocher dans cette réserve, qui s’élève à 315 millions d’euros, la ministre a prévenu : « Nous devrons procéder à des arbitrages parfois difficiles, douloureux, courageux en matière d’économies à réaliser sur le budget du Cojop. »