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«Chien blanc»: le goût du risque d’Anaïs Barbeau-Lavalette

«Chien blanc»: le goût du risque d'Anaïs Barbeau-Lavalette


En choisissant de porter à l’écran le roman Chien blanc de Romain Gary, Anaïs Barbeau-Lavalette se doutait bien qu’elle s’attaquait au plus gros défi de sa carrière de cinéaste. Mais quand George Floyd a été tué par un policier à Minneapolis, en mai 2020, la réalisatrice a senti que le poids de ce défi venait de s’alourdir considérablement. «Je savais déjà qu’adapter Chien blanc était un risque. Mais cet événement m’a fait prendre conscience à quel point c’en était un», confie-t-elle. 

Roman autobiographique écrit par l’auteur français Romain Gary à la fin des années 1960, Chien blanc nous transporte à Los Angeles en 1968, alors que des émeutes raciales éclatent partout à travers les États-Unis à la suite de l’assassinat de Martin Luther King. C’est dans ce climat de tensions raciales que Romain Gary (Denis Ménochet) et sa conjointe, l’actrice et activiste Jean Seberg (Kacey Rohl), recueillent chez eux un chien égaré. Ils apprendront plus tard que ce chien docile et affectueux avec eux a été dressé pour s’attaquer aux Noirs.

L’écriture du scénario de Chien blanc était déjà bien entamée quand le mouvement Black Lives Matter est monté en puissance à la suite de l’assassinat de George Floyd, au printemps 2020. Sur le coup, Anaïs Barbeau-Lavalette et sa coscénariste Valérie Beaugrand-Champagne ont été traumatisées.

«Avec Valérie, on a eu besoin d’un moment de recul, se souvient la réalisatrice de La déesse des mouches à feu, rencontrée mardi, la veille de la première de Chien blanc, en ouverture du Festival Cinémania, mercredi soir.

«On savait que le film allait avoir des résonances actuelles mais c’est comme si tout à coup, on avait une responsabilité encore plus grande. C’est à ce moment-là que Trump a dit «lâchez les chiens» sur les manifestants de Black Lives Matter dans la rue. Et nous, dans notre film, on parle des chiens qui étaient envoyés après les esclaves qui fuyaient sur les plantations. C’est tragiquement répétitif! Je dirais qu’après ces événements, ça m’a pris davantage de courage pour faire le film.»

Consciente que son film relate le point de vue de deux Blancs (Roman Gary et Jean Seberg) sur la lutte contre le racisme, Anaïs Barbeau-Lavalette a tenu à travailler avec deux consultants issus de la communauté afro-descendante – les cinéastes Maryse Legagneur et Will Prosper – pour la guider dans sa façon d’aborder des thèmes aussi sensibles et délicats.

«Ils n’avaient jamais un regard moralisateur, précise Anaïs Barbeau-Lavalette. Ils étaient juste là pour me pointer mes angles morts et me poser les bonnes questions. En tant que Blanche, il y a des choses que je ne peux pas savoir. C’est confrontant et ça rajoute une couche de doutes. Et quand tu fais un film, tu as juste ça, des doutes… Au final, je pense que le film est meilleur parce qu’ils étaient là.»

Privilège blanc

Anaïs Barbeau-Lavalette a eu un coup de cœur pour le roman Chien blanc il y a une dizaine d’années alors qu’elle tournait son film Inch’Allah. C’est la scénariste Valérie Beaugrand-Champagne qui lui refilé une copie du bouquin en se doutant que cette histoire interpellerait la cinéaste engagée en elle.

«En le lisant, je n’ai pas tout de suite pensé à en faire un film, admet Anaïs Barbeau-Lavalette. Ce n’est que quelques années plus tard, en y repensant, que je me suis dit qu’il y aurait vraiment matière à actualiser le propos et en faire un film moderne de 2022. Ce qui me tentait, c’était de poser cette question comme blanc privilégiée: comment je me mêle à une lutte qui n’est pas la mienne et qui me touche et me bouleverse? Est-ce que j’ai ma place là-dedans? Et si oui, quelle est cette place? Dans le film, les personnages de Romain et Jean sont engagés chacun à leur manière dans la lutte contre le racisme. Ils le font avec une bonne volonté mais aussi avec une certaine maladresse.»

L’acteur français Denis Ménochet a été lui-aussi rongé par les doutes pendant le tournage de Chien blanc, qui s’est déroulé en pleine pandémie, à Montréal et à Vancouver. Dans son cas, c’était plutôt le défi d’incarner Romain Gary à l’écran qu’il trouvait lourd à porter.

«Romain Gary, c’est comme un Rubik Cube que je n’ai jamais réussi à terminer, dit-il en entrevue. Parce qu’il a trop de facettes différentes. Il a un personnage public, un autre personnage quand il écrit, et parfois sous d’autres noms. Il a vécu plusieurs milliers de vies en une. C’est comme un sphinx. Il est assez impénétrable. Je me suis plus basé sur une forme de sincérité pour l’incarner plutôt que d’essayer de l’imiter. Mais il reste toujours une énigme pour moi.»

Chien blanc est présenté mercredi soir en ouverture du Festival Cinémania et prend l’affiche le 9 novembre partout au Québec.

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