Entre joie et soulagement, des centaines de milliers de Brésiliens célébraient dans les rues l’élection de l’icône de la gauche Lula, qui fera son grand retour à la présidence après avoir battu d’une courte marge le président sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro.
Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu 50,84% des voix, contre 49,16% pour Jair Bolsonaro, sur la base des résultats de 99% des bureaux de vote.
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C’est l’écart le plus serré entre deux finalistes de la présidentielle depuis le retour à la démocratie après la dictature militaire (1964-1985).
La marge est bien plus étroite que ce que prédisaient les sondages, qui avaient déjà lourdement sous-estimé le score de Jair Bolsonaro avant le premier tour.
La victoire de Lula a été saluée par des feux d’artifice et des cris de joie dans de grandes villes brésiliennes, comme Rio de Janeiro et Sao Paulo, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les bras levés, le corps hissé à travers le toit ouvrant d’une voiture noire, le nouveau président élu a été acclamé par la foule massée devant sa résidence de Sao Paulo, où il a suivi le dépouillement.
«Ce sont des larmes de joie, je suis si émue! Lula va nous sauver du fascisme», a réagi Mary Alves Silva, 53 ans, en pleurs sur l’Avenida Paulista de Sao Paulo.
«C’est une sensation indescriptible, Lula va tout changer», a dit pour sa part Carolina Freio, fonctionnaire vêtue d’une longue robe rouge qui faisait la fête dans un bar de Copacabana, à Rio de Janeiro.
Lula a été rapidement félicité par plusieurs dirigeants étrangers. Le président américain, Joe Biden, a salué son élection «libre et juste», et son homologue français, Emmanuel Macron, a estimé que sa victoire «ouvre une nouvelle page de l’histoire du Brésil».
Espoir d’une «saine transition»
L’ancien métallo de 77 ans au destin hors norme, qui a connu, enfant, la faim dans son Pernambouc (nord-est) natal, fera officiellement son retour au sommet de l’État le 1er janvier.
«C’est le jour le plus important de ma vie», avait-il déclaré en matinée, au moment de voter.
Lula avait atteint une popularité record à l’issue de ses deux premiers mandats (2003-2010), mais il avait ensuite connu la disgrâce, passant par la case prison après des condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme.
Après cette victoire serrée, Lula va devoir composer avec un Parlement qui penche clairement à droite et devra nouer de vastes alliances pour gouverner.
«Ce résultat serré montre que la campagne de Bolsonaro a été plus efficace pour convaincre de nouveaux électeurs, mais ça n’a pas été suffisant», a déclaré à l’AFP Leandro Consentino, politologue de la faculté privée Insper.
Jair Bolsonaro est le premier président se présentant à un second mandat à ne pas être réélu depuis le retour à la démocratie en 1985 et il gardait le silence une heure après l’annonce de sa défaite.
Sa réaction était très attendue: après avoir lancé des attaques incessantes contre le système «frauduleux» des urnes électroniques, il a affirmé vendredi: «Celui qui a le plus de voix gagne. C’est la démocratie» – sans convaincre.
Quand il a voté dans la matinée, Lula a espéré que le gouvernement Bolsonaro serait «civilisé» et «comprendra(it) qu’une saine transition est nécessaire».
«J’espère que si je gagne l’élection, il aura un moment de sagesse et me téléphonera pour reconnaître le résultat», avait dit Lula lundi dernier.
Beaucoup craignent une réplique brésilienne de l’assaut du Capitole après la défaite de Donald Trump qui pourrait viser par exemple la Cour suprême si souvent vilipendée par Bolsonaro.
Campagne ultrapolarisée
«Bolsonaro va remettre en question le résultat», estimait Rogerio Dultra dos Santos, de l’Université fédérale de Fluminense, à la veille du scrutin.
L’ex-capitaine peut compter sur «l’appui de ses électeurs les plus radicalisés […] et provoquer des troubles», selon l’analyste, qui voit mal toutefois les forces armées s’aventurer dans un coup de force et souligne que les institutions démocratiques sont solides.
La campagne entre les deux hommes que tout oppose s’est déroulée dans un climat brutal et ultrapolarisé qui les a vus s’insulter copieusement pendant que les réseaux sociaux charriaient des torrents de désinformation.
Aucun incident violent n’est venu entacher le vote des quelque 156 millions de Brésiliens appelés aux urnes dimanche.
Mais ce second tour a été marqué par une vive polémique autour de barrages filtrants de la Police routière fédérale (PRF) qui ont retenu les électeurs, notamment des régions pauvres du nord-est, fief électoral de Lula.
Douze gouverneurs d’États brésiliens ont également été élus dimanche, dont le bolsonariste Tarcisio de Freitas dans l’État de Sao Paulo, le plus peuplé et le plus riche du Brésil.