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Des personnes affolées qui tentent de réanimer un homme torse nu allongé sur le sol. D’autres, couverts de sueur, qui peinent à respirer. Les images tournées au Stade de martyrs de Kinshasa, après le mégaconcert de la star congolaise Fally Ipupa, samedi 29 octobre, contrastent avec la liesse qui avait précédé. Plus de 100 000 personnes venues acclamer l’interprète de « Liputa » et « Juste une danse » étaient présentes dans l’arène, conçue pour accueillir 80 000 spectateurs.
« D’après les informations que nous avons, les dégâts humains s’évaluent à onze personnes décédées », a affirmé le ministre de l’intérieur congolais, Daniel Aselo Okito, au lendemain du spectacle dans la capitale de la République démocratique du Congo, précisant qu’il s’agissait de deux policiers et de neuf spectateurs. Selon une source proche des organisateurs, plus de vingt cas de morsures de chiens du service de sécurité privée Likonzi Protège ont également été signalés.
Connu pour ses compositions qui mêlent rumba congolaise, ndombolo, rythmes traditionnels et musiques urbaines, Fally Ipupa ne s’était pas produit à Kinshasa depuis le début de l’année. « Le stade était archicomble. Les gens ne faisaient qu’arriver. Les gradins étaient pleins aux environs de 15 heures », raconte un témoin.
« J’ai vu un garçon inerte sur le sol »
Un spectateur serait mort avant même le début du spectacle. « Lorsque je suis entré dans le stade, j’ai vu un garçon inerte sur le sol, raconte Glodi Pinganayi, un warrior, nom donné aux fans de l’artiste. J’ai reconnu son visage en voyant les photos de certaines personnes décédées circuler sur les réseaux sociaux. Il est peut-être mort asphyxié. Il y avait énormément de gens et il faisait très chaud. On suffoquait. »
C’est une bousculade après le concert qui a entraîné le décès des autres spectateurs. Une cohue que le ministre de l’intérieur reproche aux organisateurs, qu’il juge coupables d’avoir poussé la jauge « au-delà de ce qui était convenu et avec la police et avec le stade ». Pour cela, a-t-il ajouté, les responsables doivent être « sévèrement punis ». Selon une source sûre, un des organisateurs de l’événement a été arrêté par la police criminelle de Kinshasa le soir du concert, aux environs de 22 heures.
D’après plusieurs spectateurs interrogés par Le Monde, les policiers présents au stade pour contrôler les tickets auraient également joué un rôle dans les dérapages. « Ils arrachaient les justificatifs d’entrée de certains spectateurs et recevaient de l’argent pour en faire entrer d’autres dans le stade. Cela a créé du désordre à l’entrée située vers l’avenue des Huileries. Ils ont lancé deux grenades lacrymogènes pour disperser la foule », témoigne un fan de Fally Ipupa venu assister au concert. Des faits que dément le ministre de l’intérieur.
« Profondément consterné »
Alors qu’il avait assuré à ses fans, lors d’une conférence de presse le 21 octobre, que toutes les précautions avaient été prises, l’artiste de 44 ans a fait part dimanche de sa tristesse. « Suite à ce que nous avons accompli ensemble hier, j’avais prévu pour ce jour renvoyer un message de joie et de satisfaction au-delà des maux que traverse notre cher pays, a-t-il écrit sur sa page Facebook. En effet, il ressort des éléments à notre disposition que suite à certaines bousculades à la sortie et aux alentours du stade, des compatriotes ont été arrachés à la vie. J’en suis profondément consterné et présente mes condoléances les plus attristées à toutes les familles. »
Ce drame fait écho à celui d’avril 2014 au Stade du 30-Juin dans la ville de Kikwit, dans l’ancienne province du Bandundu, dans l’ouest du pays. Alors que Fally Ipupa, surnommé l’« Aigle international », était sur scène à l’occasion de la première édition d’un festival à la mémoire de l’artiste King Kester Emeneya, 23 personnes avaient perdu la vie et 13 autres avaient été blessées lors d’une bousculade après une coupure d’électricité. « Ça restera toujours une tâche dans ma carrière », regrettait-il à l’évocation de ce souvenir lors de sa conférence de presse du 21 octobre.