« On dirait qu’ils préparent la Coupe du monde de football », grince une quinquagénaire devant la porte Saint-Vincent. Derrière elle se dressent les remparts de Saint-Malo et, devant, une nuée de tentes blanches et un ballet d’engins de chantier autour du port. Les organisateurs sont en train d’installer les 70 000 mètres carrés du village de la Route du rhum, qui partira du port de la ville le 6 novembre.
Le village n’a jamais été aussi étendu. Cette 12e édition de la course transatlantique, qui rejoint Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, est celle de tous les records : 138 skippeurs, 15 de plus qu’en 2018, plus de 2 millions de visiteurs attendus à partir du 25 octobre, un restaurant de 800 places. Comme tous les quatre ans, la « Route » occupe toutes les discussions et la cité malouine se pare des couleurs des Antilles – des tissus madras ornent les vitrines, des tonneaux de rhum bordent les terrasses.
Trop gros, trop gourmand
Pourtant, cette année, la même critique se répand, celle du trop gros, du trop gourmand. « J’ai vu toutes les Routes, mais, là, il y a tout de même une exagération », regrette une octogénaire sur les quais du port. Pour la première fois en quarante-quatre ans, Malouins, skippeurs, ONG environnementalistes, tous attachés à cette course emblématique, dénoncent, à l’heure de la sobriété, un événement devenu une fête commerciale « destructrice » de la nature.
Au centre des débats, la pointe du Groin, celle de la Varde et le cap Fréhel, les premières loges pour assister au départ de la traversée, mais surtout des zones naturelles protégées. Du haut de ses falaises de grès rose, depuis son vaste plateau de landes balayées par le vent, le cap Fréhel offre l’un des plus beaux panoramas de Bretagne. Des gradins d’exception, classés Natura 2000, où « tout piétinement provoque des dégâts considérables, dans un environnement hostile où la végétation a du mal à repousser », résume Gwenal Hervouët, délégué adjoint au conservatoire littoral d’Ille-et-Vilaine.
A la suite d’une exigence de la préfecture visant à réduire l’impact des spectateurs sur ces zones, l’organisateur OC Sport Pen Duick, filiale de Groupe Télégramme, a sollicité, en juillet, des associations écologistes comme Bretagne vivante ou Al Lark. Elles ont toutes refusé de jouer les gardiens de ces sites protégés. « Ils privatisent tout ce qui est rentable, se vantent d’attirer 2 millions de personnes dans des zones qui ne sont pas prévues pour et voudraient laisser aux ONG la responsabilité de gérer le problème », tempête Thierry Buanic, président d’Al Lark.
Il vous reste 68.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.