Faut-il s’en réjouir ? S’en inquiéter ? Quoi qu’il en soit, le sort en est jeté : la « section 230 », le pilier juridique du fonctionnement des plates-formes numériques aux Etats-Unis, va être examinée par la Cour suprême. Certains s’en réjouissent : le débat dure depuis des lustres ; il sera peut-être tranché. D’autres craignent le pire, vu les décisions récentes prises par les neuf juges sur l’avortement ou le contrôle des armes à feu. L’Internet pourrait « ne plus jamais être pareil », alertent déjà certains experts.
La section 230 de la loi de 1996 sur la décence dans les communications (Communications Decency Act) considère que les sites participatifs sont des hébergeurs, et non des éditeurs, et les exonère de toute responsabilité sur le contenu posté par les usagers (à l’exception de la pornographie). Les réseaux sociaux sont protégés de poursuites s’ils éliminent dans un délai « raisonnable » les contenus illégaux qui leur sont signalés.
L’article de loi est devenu la cible de tous ceux qui sont mécontents de la manière dont leur opinion est traitée par YouTube, Facebook, Twitter et consorts. Donald Trump, qui accusait les plates-formes de censurer les points de vue conservateurs, avait entrepris de le faire abroger. Joe Biden, qui leur reproche d’encourager les discours de haine, a encore appelé le Congrès en septembre à lever leur immunité. Un projet de loi, dit Safe Tech Act, prévoit non pas d’abroger la section 230 – au soulagement de la tech –, mais d’augmenter le nombre de cas dans lesquels elle ne pourra pas être invoquée. A l’approche des élections parlementaires du 8 novembre, la discussion sur le texte s’est enlisée.
Algorithmes et immunité
Le 5 octobre, la Cour suprême a fait savoir qu’elle avait accepté – pour la première fois – de se saisir de deux plaintes ayant trait à la section 230. La première, Gonzalez contre Google, émane de la famille de Nohemi Gonzalez, l’étudiante américaine tuée le 13 novembre 2015 dans les attentats de Paris alors qu’elle buvait une bière à la terrasse du Carillon. La famille accuse YouTube, la filiale de Google, d’avoir non seulement diffusé les vidéos de recrutement de l’organisation Etat islamique, mais d’en avoir favorisé la circulation auprès des internautes les plus susceptibles de se radicaliser, par le biais des algorithmes de recommandation.
La deuxième plainte – Twitter contre Taamneh – a été déposée par la famille américaine de Nawras Alassaf, un jeune Jordanien qui a péri en 2017 dans l’attaque d’un night-club d’Istanbul par un islamiste. Les avocats de Twitter ont demandé que les deux procédures soient examinées conjointement.
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