Le ministre grec de la gouvernance numérique, Kyriakos Pierrakakis, présentait fièrement à la presse, le 6 mai, le premier projet grec à bénéficier du « plan de relance et de résilience » européen, destiné à moderniser la gestion des finances publiques du pays. Pour aider le gouvernement grec à mener à bien ce chantier, un contrat de 51,5 millions d’euros a été passé avec trois cabinets de conseil : Uni Systems, Real Consulting et PwC Grèce.
Comme ici, en Grèce, les consultants du secteur privé ont été hyperactifs, de la conception au déploiement du colossal plan de relance européen, de plus de 700 milliards d’euros débloqués après la pandémie. Une situation qui a généré de nombreux conflits d’intérêts, révèle une enquête du collectif européen #RecoveryFiles, lancée par la plate-forme néerlandaise d’investigation Follow the Money, dont Le Monde est partenaire.
#RecoveryFiles : enquête sur l’argent de la relance européenne
723,8 milliards d’euros : le « plan de relance et de résilience » initié en 2021 est la plus grosse somme jamais débloquée par l’Union européenne. Ces prêts et subventions visent à relancer l’économie du continent, ébranlée par la crise due à la pandémie mondiale de Covid-19, avec pour objectif proclamé de créer une Europe « plus verte » et « mieux adaptée aux défis actuels et à venir ».
Comment ce plan a-t-il été élaboré ? Comment l’argent sera-t-il dépensé ? Le collectif #RecoveryFiles, dont Le Monde est partenaire, s’est fixé pour objectif d’enquêter sur les nombreuses questions d’intérêt public que pose l’utilisation de ces crédits colossaux. Ce projet, initié par la plate-forme néerlandaise indépendante Follow the Money, rassemble des rédactions de toute l’Europe, avec le soutien du le fonds IJ4EU (Investigative Journalism for Europe).
Juge et partie
Ce que Kyriakos Pierrakakis n’a pas dit lors de son annonce, c’est que l’un de ces cabinets peut être suspecté d’être à la fois juge et partie dans ce dossier. PwC Grèce a en effet contribué à l’élaboration du plan de modernisation de l’administration fiscale grecque, avant de bénéficier d’un important contrat en découlant.
Des documents obtenus par le collectif #RecoveryFiles auprès de la Commission européenne confirment que le cabinet de conseil a été en contact dès 2021 avec les autorités européennes au sujet du plan grec, au nom du ministère de la gouvernance numérique. L’implication de PwC dans ce dossier est également étayée par le CV d’un de ses employés, Paris Bayias, qui déclare avoir travaillé d’octobre 2020 à août 2022 comme « chef d’équipe de la formulation du plan de relance grec » et « membre de l’équipe qui a rédigé le plan (2020-2021) ».
Interrogé par nos partenaires, le ministère des finances grec assure « qu’aucun conflit d’intérêts n’est survenu » dans ce dossier car PwC a été embauché après que les grandes lignes du plan ont été approuvées. Contacté, le cabinet de conseil n’a pas souhaité s’exprimer.
Le plan français, nid à consultants
Les principaux cabinets de conseil ont vite saisi l’enjeu que représentaient les milliards européens pour les gouvernements et les entreprises, et leur intérêt à se placer en facilitateur de l’accès aux financements. En janvier 2021, un consultant de McKinsey a proposé son aide au ministère néerlandais de l’économie, mettant en avant le fait que son cabinet avait « accompagné plusieurs pays de l’Union européenne sur leurs plans de relance ». Sans succès.
Il vous reste 74.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.