Le Parlement irakien a élu, jeudi 13 octobre, Abdel Latif Rachid président de la République, mettant fin à un an d’impasse politique émaillée de violences. L’ancien ministre kurde de 78 ans, candidat de compromis au sein du camp kurde qui a la main sur cette fonction honorifique, l’a emporté face au président sortant, Barham Saleh. Le nouveau chef de l’Etat a chargé Mohamed Chia Al-Soudani de former un gouvernement. Le politicien chiite de 52 ans, plusieurs fois ministre, a trente jours pour former son cabinet et tenter d’apaiser les divisions au sein de la majorité chiite qui se déchire pour le contrôle de l’Etat.
La candidature de M. Soudani a été au cœur des tensions qui ont opposé, durant l’été, le Cadre de coordination, une alliance formée par l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki et des milices chiites pro-iraniennes, et le chef populiste chiite Moqtada Al-Sadr. Ce dernier, vainqueur des élections législatives d’octobre 2021, avait retiré ses 73 députés de l’Assemblée en juin, excédé par les manœuvres de ses rivaux visant à l’empêcher de réunir une majorité pour former le nouvel exécutif. Ainsi privé de son assise parlementaire, c’est dans la rue qu’il a entrepris de faire barrage à la décision du Cadre de nommer M. Soudani à la tête du gouvernement.
Le sit-in entamé par les partisans sadristes devant le Parlement fin juillet a failli dégénérer en guerre intrachiite le 29 août, quand plus de 30 de ces protestataires ont été tués dans des affrontements avec l’armée et des milices chiites pro-iraniennes. Cette bouffée de violence a décidé M. Sadr à lever le sit-in et à se mettre en retrait, tout en menaçant de faire redescendre ses soutiens dans la rue. Signe des tensions persistantes, un barrage de roquettes s’est abattu sur la zone verte, siège des institutions du pays, avant le début de la séance parlementaire, jeudi. Ces tirs, qui n’ont pas été revendiqués, ont fait dix blessés, dont quatre civils.
Une « étape démocratique importante »
Ils n’ont pas empêché la tenue du scrutin, qui a été salué comme une « étape démocratique importante » à Paris comme Washington. A l’issue du second tour, Abdel Latif Rachid l’a emporté avec plus de 160 voix face au président sortant (99). Ingénieur formé en Grande-Bretagne et ancien ministre des ressources en eau de 2003 à 2010, M. Rachid est issu de la vieille garde de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK). Beau-frère de l’ancien président Jalal Talabani, « il est resté hors du parti et n’a pas une couleur très partisane », estime Hardy Mède, chercheur au CESP à Paris-I. C’est ce qui a convaincu Massoud Barzani, le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), de le soutenir « dans un esprit de compromis ».
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