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Accusés d’avoir volé et fraudé des aînés de Québec

Accusés d’avoir volé et fraudé des aînés de Québec


L’ex-président de l’Ordre des comptables agréés du Québec et sa conjointe auraient floué pendant huit ans, et pour près de 200 000 $, une résidence pour aînés qui accueille des prêtres à la retraite, a découvert notre Bureau d’enquête. 

Claude Gauvin et Lucie Couturier ont longtemps été un couple bien en vue dans la région de Québec.

Lui, associé chez KPMG puis chez Raymond Chabot Grant Thornton, ex-président de la Chambre de commerce de Québec et membre d’une kyrielle de conseils d’administration prestigieux au fil des ans.

Elle, directrice générale de la Résidence Cardinal-Vachon, construite par le diocèse de Québec pour accueillir des retraités.


L’établissement dont Lucie Couturier était directrice générale jusqu’à son congédiement accueille environ 200 retraités dans Beauport.

Photo Stevens Leblanc

L’établissement dont Lucie Couturier était directrice générale jusqu’à son congédiement accueille environ 200 retraités dans Beauport.

En 2015, une photo publiée dans Le Journal de Québec les montrait tout sourire, après que Gauvin avait demandé sa douce en mariage à la fin de son discours au cocktail d’ouverture de l’Hôtel de glace.

Mais en février 2019, ils ont discrètement remis 207 752,12 $ à la Résidence Cardinal-Vachon, qui les poursuivait au civil après avoir congédié Lucie Couturier pour des détournements de fonds «fautifs et malhonnêtes».

Les détails de ce règlement sans admission sont confidentiels, et les allégations de la résidence n’ont jamais été prouvées devant un tribunal.

De plus, depuis le 29 septembre dernier, les deux tourtereaux sont formellement inculpés de fraude et vol de plus de 5000 $, des infractions criminelles passibles d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement si elles sont avérées.

Gros train de vie

Dans sa poursuite civile, la Résidence Cardinal-Vachon allègue que Claude Gauvin et Lucie Couturier ont vécu la grosse vie en détournant des sommes et des services facturés à la résidence.

Terrasse neuve à 75 000 $ pour leur luxueuse maison d’un million de dollars dans le quartier Lebourgneuf, achat d’électroménagers, de meubles et d’un système audio sans-fil ; la liste des sommes qui auraient été soutirées par le couple est longue (voir plus bas).


La résidence personnelle du couple située dans Lebourgneuf, qui vaut environ 1 million $, a fait l’objet d’une saisie avant jugement en août 2018.

Photo Stevens Leblanc

La résidence personnelle du couple située dans Lebourgneuf, qui vaut environ 1 million $, a fait l’objet d’une saisie avant jugement en août 2018.

Toujours selon la poursuite civile, Lucie Couturier aurait même poussé l’audace jusqu’à verser au nom de la résidence pour aînés plus de 100 000 $ à son conjoint pour des services professionnels, alors que le conseil d’administration de l’établissement croyait qu’il rendait ces services à titre bénévole.

Invraisemblances

Après avoir découvert ce qu’elle qualifie de «stratagème frauduleux», la résidence Cardinal-Vachon a fait la liste de nombreuses invraisemblances dans des factures qu’elle avait acquittées au fil des ans.

Ainsi, elle s’est rendu compte qu’elle avait payé pour une friteuse au gaz propane alors que son bâtiment est plutôt alimenté au gaz naturel. La friteuse au propane en question aurait été livrée… à la résidence du couple.

Elle a aussi découvert qu’elle avait payé plus de 35 000 $ pour la réfection d’un solarium avec une structure en aluminium, alors que le solarium dont elle dispose a plutôt une structure en bois.

La résidence a également poursuivi pour plus de 65 000 $ la firme Albo électrique inc. et son président, Alexandre Beaudoin, qui la facturait pour effectuer des travaux chez Gauvin et Couturier. La cause s’est aussi réglée par une entente confidentielle en janvier 2020.

Le couple accusé n’avait pas répondu à nos invitations à faire des commentaires, au moment d’écrire ces lignes.

— Avec la collaboration de Philippe Langlois, Marie Christine Trotter et Nicolas Saillant

La grosse vie aux frais de la résidence pour aînés


Le chalet du couple à Sainte-Brigitte-de-Laval (qu’ils ont vendu en mai dernier) aurait aussi bénéficié des détournements de fonds allégués, selon la Résidence Cardinal-Vachon.

Photo Stevens Leblanc

Le chalet du couple à Sainte-Brigitte-de-Laval (qu’ils ont vendu en mai dernier) aurait aussi bénéficié des détournements de fonds allégués, selon la Résidence Cardinal-Vachon.

Dans sa poursuite civile contre Claude Gauvin et Lucie Couturier, la Résidence Cardinal-Vachon a allégué notamment avoir été flouée en payant pour les achats suivants, qui auraient plutôt servi pour les besoins personnels du couple. 

  • 75 769 $ pour l’aménagement d’une terrasse extérieure à la résidence principale de Gauvin et Couturier.
  • 12 451,79 $ pour l’achat de 50 luminaires.
    Selon la Résidence, le président d’Albo Électrique aurait admis qu’il s’agissait plutôt d’une «fausse facture émise à la demande de Lucie Couturier aux fins de travaux personnels» à la résidence personnelle ou au chalet du couple Gauvin-Couturier.
  • 35 526,23 $ pour la structure et les rideaux d’un solarium, rideaux qui ont finalement été installés à la résidence unifamiliale.
  • 5806,24 $ pour régler un prétendu «trouble de chauffage» dans un des logements de la résidence pour aînés.
    Or, ce logement «n’a jamais été affecté par une quelconque problématique», et il s’agissait plutôt d’une facture pour des travaux à la résidence personnelle de Gauvin et Couturier.
  • 7428,26 $ pour divers meubles d’extérieur ou de jardin qui ont plutôt été «utilisés par Couturier et Gauvin à la résidence unifamiliale […] et/ou à la résidence secondaire».
  • 1207,24 $ pour une friteuse au gaz propane «livrée à la résidence unifamiliale» de Gauvin et Couturier.
  • 673,52 $ pour un système audio sans-fil qui a finalement servi pour les besoins personnels de Gauvin et Couturier.
  • 3000 $ pour une remorque et un adaptateur en aluminium achetés par Lucie Couturier pour son conjoint.

 

Au civil et au criminel 

Lucie Couturier et Claude Gauvin ont versé confidentiellement plus de 207 000 $ en 2019 pour mettre fin à la poursuite civile intentée contre eux par la résidence Cardinal-Vachon, «sans admission aucune de responsabilité».

Le couple n’était toutefois pas à l’abri de poursuites criminelles, finalement déposées trois ans et demi plus tard.

Il s’agit cependant de deux juridictions totalement différentes. Cette fois, c’est le ministère public qui devra prouver, hors de tout doute raisonnable, qu’il y a eu fraude et vol. 

Qui est Claude Gauvin 

  • 75 ans
  • Membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, dont il a présidé le C.A. entre 2003 et 2005
  • Retraité depuis peu, il était associé au bureau de Québec de la firme Raymond Chabot Grant Thornton
  • Il a été président de la Chambre de commerce de Québec au début des années 2000.
  • Il a siégé à de nombreux conseils d’administration dont celui de l’Hôtel de glace, celui du Carnaval de Québec, celui de l’Orchestre symphonique de Québec, celui de la Fondation de l’Université Laval, celui de la Fondation du Musée de la civilisation et celui de la Société du Centre national des Arts.

 

Qui est Lucie Couturier 

  • 62 ans
  • Directrice générale et directrice des soins infirmiers de la Résidence Cardinal-Vachon à Québec, à partir de mars 2010
  • Cet établissement de Beauport a été «créé par le diocèse de Québec pour accueillir les prêtres, mais également toute personne retraitée autonome», indique son site web. Il compte 200 places.
  • Congédiée en août 2018 pour avoir notamment «usurpé les pouvoirs qui lui étaient conférés», pour avoir «agi en fraude de ses droits» et pour avoir «posé des gestes fautifs et malhonnêtes». Elle touchait à ce moment un salaire annuel d’environ 125 000 $.

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