Un homme qui a passé sa vie à se reconstruire espère boucler la boucle en poursuivant l’Académie Sainte-Thérèse, où il a été agressé sexuellement à 12 ans par un gardien de dortoir dans les années 1980.
Pour se rendre au travail, Pascal Granger passe tous les jours devant l’Académie Sainte-Thérèse, un collège privé situé dans la ville du même nom.
«Disons que… [L’école], je ne la regarde pas», avoue l’homme de 52 ans.
Pascal Granger, résident de Laval, poursuit au civil l’Académie Sainte-Thérèse pour plus de 150 200$, selon la requête déposée au Palais de justice de Saint-Jérôme le 19 septembre.
Il avait 12 ans quand il est devenu pensionnaire de cette école, en 1982. C’est le gardien de dortoir Denis Beauregard qui l’a accueilli à son arrivée.
Pendant environ six mois, Denis Beauregard a abusé de son pouvoir de gardien et de tuteur académique sur le garçon pour l’agresser sexuellement: attouchements, fellation, sodomie, peut-on lire dans la poursuite.
Congédié en douce
M. Granger n’était pas la seule victime. C’est un autre élève qui a dénoncé l’homme. La direction de l’école a décidé de le congédier, mais pas d’aviser la police.
Questionné par la direction à savoir s’il avait été lui aussi agressé, Pascal Granger a nié. À l’époque, la honte et la culpabilité étaient trop puissantes pour affronter la vérité, explique-t-il.
M. Granger passera sa vie à se remettre des séquelles de ce traumatisme. Dès l’âge de 14 ans, il commence à consommer de l’alcool et des drogues dures. Il quitte l’école en 3e secondaire, à 15 ans.
«J’étais révolté […] Tout ce qui était rapport d’autorité, que ce soit scolaire ou la police, je ne voulais rien savoir.»
Cheveux longs, pendentif en forme de balle de fusil, têtes de mort. «Je faisais peur», résume-t-il. «C’est comme si la vie n’en valait pas la peine.»
Nathalie Simard
Le déclic est arrivé en 2005. À la télé, Nathalie Simard lève le voile sur les agressions qu’elle a subies. D’un coup, les souvenirs l’ont submergé. «Je n’ai pas dormi de la nuit.»
C’est alors qu’il décide de dénoncer Denis Beauregard, qui plaidera coupable et sera condamné en 2009 à purger 18 mois de prison.
«Quand ils lui ont mis les menottes, j’ai ressenti un soulagement et un sentiment de fierté […] Il ne pourrait plus abuser d’autres personnes.»
M. Granger a ensuite continué à cheminer en thérapie. En 2017, il a rejoint les Narcotiques Anonymes et a cessé de consommer.
Poursuivre l’école, c’est pour lui la dernière étape avant de pouvoir complètement tourner la page. «Après ça, je vais pouvoir dire que j’aurai tout fait.»
«On peut poursuivre [une école] pour les actes de son employé […] La question à se poser, c’est : a-t-il utilisé ses fonctions pour abuser, sa position d’autorité?», explique Me Jimmy Lambert, l’avocat de M. Granger.
Délai de prescription
Il aurait déposé une poursuite bien plus tôt, mais pour entamer les démarches, il a fallu attendre que le gouvernement Legault abolisse en 2020 le délai de prescription qui rendait impossibles les poursuites pour des faits remontant à plus de 30 ans.
M. Granger invite d’ailleurs les victimes de violences sexuelles à ne pas hésiter à dénoncer et à consulter.
«J’ai une tristesse en moi et elle va rester à vie.» Mais il n’est jamais trop tard pour commencer à guérir, assure-t-il.
De son côté, l’Académie Sainte-Thérèse se dit «profondément attristée par ces événements bouleversants» et mentionne qu’aucun dirigeant de l’époque n’est encore en poste.
«La direction tente de faire toute la lumière sur le dossier», écrit par courriel le directeur général Martin Landry.