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le projet d’oléoduc de TotalEnergies mis en cause par des ONG pour violations des droits humains

le projet d’oléoduc de TotalEnergies mis en cause par des ONG pour violations des droits humains


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Des enfants gardent un troupeau dans le district de Chemba, en Tanzanie, où passera l’oléoduc Eacop, long de 1 445 km.

Le décor change, l’histoire reste la même : en Tanzanie, la construction de l’oléoduc destiné à évacuer le pétrole extrait par TotalEnergies sur les rives du lac Albert, en Ouganda, baptisé East African Crude Oil Pipeline (Eacop), s’accompagne aussi de violations des droits humains à grande échelle, selon l’enquête rendue publique mercredi 5 octobre par Les Amis de la Terre et Survie, les deux ONG à l’origine, avec quatre associations ougandaises, du procès intenté contre la major française pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises à l’égard de leurs filiales et sous-traitants. Cette action engagée en 2019 est la première du genre depuis l’adoption de la loi en 2017.

Jusqu’à présent, les ONG avaient braqué les projecteurs sur la partie ougandaise du projet, où se situent le site de production Tilenga, avec ses 400 puits de forage dont 132 dans le parc national des Murchison Falls, les usines de traitement du brut et seulement 300 des 1 445 km d’Eacop. La majeure partie du plus grand oléoduc chauffé au monde – dont les travaux n’ont pas encore commencé – traversera en effet la Tanzanie avant d’atteindre le port de Tanga, sur l’océan Indien, où un terminal de stockage doit également être construit. Eacop est détenu à 62 % par TotalEnergies, à 15 % chacune par les compagnies pétrolières publiques ougandaise et tanzanienne et à 8 % par la société chinoise Cnooc, chargée d’un site mineur de production dans la partie méridionale du lac Albert.

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« En Ouganda comme en Tanzanie, les pratiques sont identiques. Les populations n’ont pas été informées ni consultées comme elles auraient dû l’être. Les indemnisations qui leur sont proposées pour leurs terres sont sous-évaluées et quatre ans après les premiers contrats de rachat, celles-ci n’ont, dans bien des cas, pas été versées », déplore Thomas Bart, l’auteur du rapport établi à partir d’une enquête menée le long du tracé d’Eacop en janvier et février 2022. Les témoignages de plus de 70 personnes ont été recueillis en préservant leur anonymat, de crainte de représailles gouvernementales. A plusieurs reprises avant de devoir écourter sa mission, M. Bart a lui-même été empêché par les autorités locales d’échanger avec les communautés concernées par ce projet à 10 milliards de dollars et qui empiète, côté tanzanien, sur les terres de 62 000 personnes dans 231 villages.

« Ils ne nous ont pas demandé si on était d’accord »

« Je les ai vus faire une évaluation de ma terre. C’est comme ça que j’ai découvert que j’étais affecté », raconte un homme de la région de Manyara, cité dans le rapport : « Ce n’était pas lors d’une réunion mais dans ma ferme. Ils ont pris des photos de ma femme et moi. Je n’avais pas le choix mais ils m’ont dit que je serais indemnisé. » Un autre relate une scène comparable : « Ils [les employés d’Eacop] nous ont dit que nos terres seraient affectées par le projet et qu’ils allaient nous donner de l’argent. Mais ils ne nous ont pas demandé si on était d’accord. » Pourtant, TotalEnergies se prévaut d’appliquer les plus hauts standards dans le traitement des personnes déplacées par des grands projets d’infrastructures. Parmi eux, ceux de la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale), qui reprennent comme première norme d’obtenir un « consentement libre, préalable et éclairé ».

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La façon dont les terres acquises ont été évaluées pose aussi problème, selon l’enquête des ONG. Les montants proposés en guise d’indemnisation sont jugés insuffisants pour permettre d’acquérir des parcelles d’une superficie identique. D’autant que les prix du foncier ont augmenté de manière notable au cours des dernières années en Tanzanie, selon les personnes interrogées. Faute de terres disponibles, Eacop a par ailleurs rarement proposé une compensation en nature. Dans un document publié en août 2022 et cité par le rapport, le consortium indique que « plus des deux tiers des districts touchés par le projet ont moins de 20 % de terres arables inutilisées et un certain nombre de districts ont moins de 5 % de terres disponibles. Cela illustre le défi que représente l’identification de terres de remplacement le long du corridor de l’oléoduc ».

Les paysans se sont vu interdire de cultiver leurs terres, de reconstruire leurs maisons ou de planter des arbres

Comme en Ouganda, les paysans tanzaniens se sont vu signifier au lendemain des opérations d’évaluations (menées en 2018) l’interdiction de cultiver leurs terres. Tout comme de reconstruire leurs maisons endommagées par les pluies saisonnières ou de planter des arbres. Cela afin de rendre impossible toute contestation des évaluations. Mais alors que les indemnités auraient dû être versées dans les six mois, l’absence de paiement conduit quatre ans plus tard à une détérioration des conditions de vie des familles. Certaines disent souffrir de « pénuries alimentaires » et de pertes de revenus les ayant conduites à déscolariser leur enfant. Face aux plaintes, la production de certains légumes et céréales a, comme en Ouganda, de nouveau été autorisée.

Un bilan carbone de 34 millions de tonnes de CO₂ par an

Le rapport consacre aussi un long chapitre à l’impact environnemental de l’oléoduc, qui traversera plusieurs aires protégées. Il rappelle les risques d’accidents écologiques liés à la nature sismique de la zone et au passage de fréquents ouragans. Selon une étude réalisée par le cabinet E-Tech, spécialisé dans les industries extractives, cette réalité devrait conduire Eacop à renforcer ses dispositifs de prévention en multipliant notamment « les valves de blocage » le long de l’oléoduc pour maîtriser les fuites.

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Après trois années de bataille procédurale, la première audience sur le fond du procès engagé par Les Amis de la Terre et Survie contre TotalEnergies sur son devoir de vigilance devrait se tenir mercredi 12 octobre au tribunal judiciaire de Paris. Le rapport sur le volet tanzanien du projet a été versé aux pièces du dossier. Les ONG, qui demandent l’arrêt de ce projet pétrolier au cœur de l’Afrique des Grands Lacs, ne manqueront pas non plus de rappeler qu’elles comptent désormais dans leurs rangs le Parlement européen. Le 15 septembre, à l’initiative de l’eurodéputé français Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), celui-ci a voté, à une large majorité, une résolution d’urgence pour dénoncer son impact sur les populations, l’environnement et le climat.

Le bilan carbone du projet s’élève à 34 millions de tonnes de CO₂ par an, davantage que les émissions de l’Ouganda et de la Tanzanie combinées. Les députés exigent l’arrêt des forages dans les aires protégées, ainsi que le report des travaux d’Eacop pendant un an, pour « étudier la faisabilité d’un tracé alternatif » permettant de préserver l’environnement et d’« envisager d’autres projets reposant sur les énergies renouvelables ». Les eurodéputés demandent également que soit mis fin aux violations des droits humains. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, invité à venir s’exprimer devant la commission des droits humains du Parlement européen le 10 octobre, a décliné la proposition.

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