Comme le vêtement, le meuble ou l’électroménager de seconde main, le livre d’occasion se porte bien. « Depuis la crise économique de 2008, les lecteurs sont dans une recherche constante des petits prix », assure Nicolas Vielle, directeur d’exploitation du groupe Gibert, acteur historique du secteur. La tendance répond aussi aux préoccupations écologiques : « L’occasion sauve pas mal de volumes des poubelles. Des entreprises solidaires et durables comme Recyclivre, La Ressourcerie ou Emmaüs ont ainsi fait de l’environnement un véritable argument », précise le sociologue Vincent Chabault, auteur du récent Le Livre d’occasion. Sociologie d’un commerce en transition (PUL, 2022). Entrent également en compte la désacralisation du livre – on préférerait désormais « l’usage à la possession, surtout chez les jeunes », selon Matthieu de Montchalin, patron de la librairie L’Armitière, à Rouen – et, à la marge, le goût du vintage : « Il y a une recherche esthétique, le charme des couvertures du passé », ajoute Vincent Chabault.
En attendant les résultats de la grande étude actuellement menée par la Sofia (organisme gérant le droit de prêt en bibliothèque), qui seront connus en 2023, les chiffres dont on dispose, parcellaires, peu récents et surtout issus de sondages, montrent néanmoins une progression du marché : en 2018, 28 % des livres achetés l’ont été d’occasion, contre 24 % en 2014 (source GfK pour le ministère de la culture).
Le tournant des plates-formes
Si des librairies comme Gibert Joseph et Boulinier, mais aussi, dans une moindre mesure, les bouquinistes, les vide-greniers, brocantes et marchés aux puces sont toujours des lieux habituels d’achat, l’apparition d’Amazon, en 1995, puis d’autres sites de vente en ligne tels Rakuten (ex-PriceMinister), Momox, Chapitre, Fnac.com, mais aussi des sites d’annonces comme eBay, Leboncoin ou Vinted, a été un tournant. « Les plates-formes, qui proposent une offre abondante, technicisée et mondialisée, drainent 50 % des ventes d’occasion », précise Vincent Chabault.
Chez Rakuten, mastodonte regroupant particuliers, bouquinistes et autres professionnels du secteur comme Gibert, 81 % des ouvrages vendus en août 2022 l’ont été en seconde main, la part de marché de l’occasion progressant de 4 % par rapport à 2021. Parmi les genres prisés : la bande dessinée, la littérature française, le manga, le roman policier. Les plates-formes ont pris une place d’autant plus grande que la plupart des livres acquis sur Internet ne le sont pas par hasard. « Chez nous, 72 % des achats se font en recherche directe », souligne Matthieu Denime, directeur commercial de Rakuten. Et quand un site propose le même livre en neuf et en occasion, le choix est vite fait.
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