De quoi seront faits nos lendemains ? Nous vivons dans un monde en crise. Un monde fracturé, piégé entre les radicalités, les populismes et les désespérances. Un monde où l’impensable, la guerre aux portes de l’Europe, est pourtant arrivé, rappelant la fragilité de la paix et des nations. Les générations futures vont devoir relever des défis que nous ne pouvons même pas imaginer : réchauffement climatique, immigration massive, crise démographique, effondrements populistes. Nous vivons des temps dangereux. Et c’est dans ce contexte anxiogène que nous percevons plus que jamais le gâchis que représente la non-intégration des pays du Maghreb, le risque faramineux et invisible que cela fait peser sur cette région.
Depuis quelques années, nous voyons les tensions grandir. Pas une semaine ne passe sans qu’un nouvel incident, une nouvelle polémique, ne vienne assombrir les relations entre nos pays. Nous nous désolons à l’idée que les futures générations de Marocains, d’Algériens, de Tunisiens, de Libyens, vivent en se tournant le dos, sans se connaître, sans se rencontrer, victimes de propagandes ou de préjugés. Ces générations sont prises en otage des différends politiques, ceux de l’histoire ou des géographies. On voudrait nous faire croire que le Maghreb n’est qu’une utopie, un horizon abandonné et que nous devrions accepter de vivre comme des îlots isolés, des tranchées d’indifférences.
Nous le savons tous, la non-intégration coûte cher à nos pays. La Commission économique pour l’Afrique des Nations unies considère qu’une union du Maghreb ferait gagner aux pays l’équivalent de 5 % de leurs produits intérieurs bruts cumulés. Mais, au-delà des chiffres, c’est une inquiétude bien plus large et profonde qui nous taraude. Celle de la violence, des conflits hérités et nourris. Celle de l’étincelle qui nous entraînerait dans un engrenage de destruction.
Prendre les mains qui se tendent
Nous avons pourtant beaucoup de choses en partage qui peuvent atténuer nos orages : des langues, une religion, notre histoire, des paysages, des combats et des solidarités ancestrales, et même un certain art de vivre. Nous ne sommes pas naïfs et nous savons aussi que nous avons nos spécificités, nos caractères propres et que des conflits longs et douloureux nous opposent. Mais il nous semble qu’il faut prendre toutes les mains qui se tendent et soutenir toutes les initiatives en faveur d’une meilleure intégration, d’une construction réaliste et lucide. Aujourd’hui, les irresponsabilités et les imprudences, les vanités et les désinformations ne font qu’attiser les tensions. On nous fabrique des guerres et nous sentons qu’il y a urgence à alerter, à donner voix à l’espoir et à la maturité. A se désolidariser du désastre. Aurons-nous le courage d’assumer nos erreurs et nos égoïsmes face aux générations à naître ?
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