Le chaos créé en Corée du Sud par l’interruption brutale des activités de Kakao à cause d’un incendie dans un centre de gestion de données a fait plonger la valeur de l’opérateur de services en ligne et soulève des interrogations sur le quasi-monopole qu’il détient sur nombre d’activités essentielles. Le titre de la maison mère, Kakao Corp, a plongé de plus de 8 % dès l’ouverture des cotations, lundi 17 octobre à Séoul. L’ensemble de ses filiales a subi des pertes similaires, le service de paiement en ligne Kakao Pay chutant même de 9,14 %.
Dans le même temps, le président, Yoon Seok-youl, est intervenu pour appeler à la restauration rapide des services et annoncer l’ouverture d’une enquête par la Commission de la concurrence (FTC). « Si le marché est faussé par un monopole ou un oligopole, et si cela affecte les infrastructures de base d’un pays, l’Etat doit prendre les mesures nécessaires dans l’intérêt de la population », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement examine sérieusement la situation, car l’incident a fait craindre une paralysie de la société et de l’économie », avait auparavant déclaré son ministre des technologies de l’information, Lee Jong-ho. M. Lee a fait le déplacement au centre de gestion des données de SK C & C à Pangyo, dans la province de Gyeonggi, voisine de Séoul, où le sinistre s’est produit, vers 15 h 30, samedi 15 octobre. Le feu a provoqué l’arrêt de 32 000 serveurs hébergeant les données de Kakao et une partie de celles du navigateur Naver.
La quasi-totalité des services a été affectée
Les réactions témoignent de l’importance acquise par Kakao, société créée en 2006 par Kim Beom-soo. L’entreprise s’est imposée en Corée du Sud grâce à la messagerie instantanée KakaoTalk, lancée en 2010 et aujourd’hui installée sur plus de 90 % des smartphones locaux. Kakao possède aussi Daum, le navigateur rival de Naver, et a été le premier groupe à créer une banque en ligne, avec le lancement de Kakao Bank, en 2017.
Au deuxième trimestre 2022, ses ventes ont atteint 1 822 milliards de wons (1,3 milliard d’euros), en hausse de 34,8 % sur un an, et son profit net s’est établi à 101,2 milliards de wons. Kakao se classe au quinzième rang des conglomérats sud-coréens, selon la FTC, avec des actifs estimés à 32 200 milliards de wons.
Pour Naver, seule l’activité de commerce en ligne Shopping Live a été perturbée par l’incendie. Pour Kakao, la quasi-totalité des services a été affectée, à commencer par KakaoTalk, les jeux, MelOn (le streaming musical numéro un dans le pays) ou encore les services liés à la mobilité de Kakao Mobility et ceux de Kakao Pay, une application utilisée pour plus de la moitié des paiements mobiles. Seuls les services bancaires, hébergés par le centre de données géré par LG CNS à Séoul, ont échappé au black-out.
« Pas suffisamment préparés à un crash »
Les arrêts ont eu de graves répercussions pour les utilisateurs, mais aussi pour les 230 000 Kakao taxis, incapables de communiquer avec les clients et les entreprises utilisant l’identifiant Kakao pour accéder à leurs services. Le loueur SK Rental Car, le géant du discount Home Plus, la populaire enseigne de produits de beauté Olive Young et les cafés Starbucks n’ont pu recourir aux activités comme les paiements en ligne ou l’offre de bons d’achat utilisant les fonctionnalités de Kakao.
« En raison de l’incendie au centre de Kakao, il est difficile de s’abonner, d’enregistrer de nouvelles adresses, d’effectuer des paiements par le biais de Kakao Pay et d’accéder au service clientèle via KakaoTalk », a averti sur son site Kurly, gérant de la livraison de produits frais Market Kurly.
« Nous n’étions pas suffisamment préparés à un crash de la totalité des serveurs à cause d’un incendie », a reconnu Yang Hyun-seo, vice-présidente de Kakao. Le groupe prévoit d’ouvrir son propre centre de gestion de données à Ansan (sud de Séoul), en 2023. Le chaos qui a suivi a déjà amené Naver à promouvoir activement des services concurrents de Kakao, comme la messagerie Line. Tmap Mobility a lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour ses services de réservation de taxi et de chauffeur.