LES PATIENTES NOIRES MOINS BIEN SOIGNÉES AUX URGENCES : UN CONSTAT « INTOLÉRABLE »
Une enquête menée cet été par une équipe française a mis en lumière le poids du sexisme et du racisme dans le diagnostic des soignants dans des services d’urgence en France, en Belgique, en Suisse et à Monaco. Selon une étude publiée dans la revue European journal of emergency médicine en décembre 2023, les résultats démontrent que les patientes noires sont moins prises au sérieux et moins susceptibles de recevoir un traitement d’urgence à l’hôpital. L’étude a soumis un questionnaire à environ 1 500 soignants répartis dans 159 villes dans quatre pays différents et a révélé des résultats préoccupants.
Le poids des préjugés sexistes et racistes
Pour un symptôme identique – une douleur thoracique qui pourrait être le signe d’un infarctus – les soignants devaient se prononcer sur la gravité du cas de ces malades. Une photo des patients, tous âgés de 50 ans, était fournie et huit profils de sexe et d’apparence ethniques différents avaient été imaginés par le concepteur du test, qui a fait appel à l’intelligence artificielle. Les résultats ont montré que les hommes sont pris plus au sérieux que les femmes, et que le cas est jugé moins grave quand la personne est noire. Les patientes noires sont donc moins susceptibles de recevoir un traitement d’urgence. Ces résultats reflètent des « clichés inconscients » selon le Pr Bobbia, qui ont des conséquences graves pour les patients discriminés.
Des discriminations similaires aux États-Unis et au Canada
D’autres études menées au Canada et aux États-Unis ont également révélé des différences de traitement des patients selon leur couleur de peau. Aux États-Unis, de nombreuses études ont montré une sous-évaluation systématique de la douleur éprouvée par des patients noirs américains par rapport à celle de patients blancs américains. En France, les erreurs de jugement révélées par cette enquête peuvent avoir des conséquences graves pour les patients discriminés, allant jusqu’à la mort dans certains cas.
Une mise en examen pour « non-assistance à personne en danger »
En 2018, un collectif d’associations avait publié une étude révélant des cas de discriminations dans toute la chaîne des urgences, du Samu à l’hôpital. Cela fait suite à la mort tragique de Naomi Musenga en décembre 2017, une jeune femme d’origine congolaise qui n’avait pas été prise au sérieux par le Samu pour une vive douleur et est décédée d’un arrêt cardiaque moins de trois heures plus tard. Ces tristes événements ont mis en lumière des stéréotypes racistes tels que le « syndrome méditerranéen » qui aboutissent à des disqualifications de la douleur de certaines catégories de patients.
Propositions pour remédier à la situation
Prendre conscience des préjugés, les mesurer, va permettre d’en informer soignants et étudiants en médecine, espère maintenant Xavier Bobbia pour qui « faire le constat des préjugés, ne veut pas dire les tolérer ». Il propose des solutions telles que le recours systématique à des « grilles d’évaluation objectives » à l’accueil des urgences, ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle pour adopter un regard objectif. Ces mesures pourraient permettre de lutter contre les discriminations raciales et sexistes dans le domaine des soins de santé.
Pourquoi les médecins s’inquiètent de la suppression de l’aide médicale d’État
Les préconisations du Pr Bobbia ont été saluées également par Laure Pitti, qui s’inquiète toutefois de l’évolution du contexte politique. Avec la réforme de l’aide médicale d’État, l’un des points de la loi immigration votée en décembre par le Parlement français, la sociologue regrette un climat politique « délétère » qui risque d’affecter la lutte contre les discriminations. Elles mettent en avant l’importance de dénoncer ces préjugés afin de pouvoir les combattre et améliorer la qualité des soins pour tous.
Pour en savoir plus sur le sujet, veuillez consulter les liens suivants :
– Étude choc publiée dans la revue internationale European journal of emergency médicine
– Le sexisme perdure en France, y compris chez les jeunes, selon le Haut conseil à l’égalité
– Pourquoi les médecins s’inquiètent de la suppression de l’aide médicale d’État
– En France, des milliers de manifestants pour demander le retrait total de la loi immigration