Il ne reste plus qu’un voilage bleu à soulever pour renouer avec une identité qui lui a été volée quand elle était enfant. Ce 26 septembre 2021, Marie Marre progresse fébrilement dans les couloirs du petit immeuble délabré planté au nord-est de Bamako, la capitale malienne. L’habituel tumulte du voisinage a laissé place à un silence solennel. Lentement, la Française d’origine malienne écarte le rideau. Et puis les cris et les sanglots éclatent dans le studio. Marie Marre se jette dans les bras de Fatoumata Cissé.
Après trente-deux ans de séparation, la médecin, adoptée en 1989 par un couple normand, retrouve la mère biologique à qui l’association française Rayon de soleil de l’enfant étranger (RDSEE) l’a arrachée. « Toutes ces années, je n’ai fait que prier d’avoir la chance de revoir un jour mon enfant avant de mourir », gémit Fatoumata Cissé en serrant de toutes ses forces sa fille dans ses bras. Submergée, la Malienne, aujourd’hui âgée de 56 ans, s’effondre en larmes sur le lit déglingué.
« Je suis très heureuse de te voir. Je te cherche depuis deux ans et demi », murmure Marie Marre en tentant de consoler avec pudeur cette mère dont elle ne se souvient pas. Depuis 2018, Le Monde, en partenariat avec TV5 Monde, accompagne Marie Marre dans sa quête. En janvier 2020, nous avions cherché au Mali, à ses côtés, Fatoumata Cissé. En vain.
Quelques jours après la diffusion de nos enquêtes, en juin 2020, une femme nous avait contactés. Fatoumata Cissé affirmait être la mère biologique de Marie. Pendant des semaines, nous avons vérifié son identité et son récit. Les photos de Marie enfant, précieusement conservées par la Malienne et authentifiées par Marie Marre elle-même ainsi que par ses parents adoptifs, ont fini de le confirmer : Fatoumata Cissé est bel et bien sa mère de naissance.
« Donne-moi un enfant »
Ce 26 septembre, la jeune Française boit les paroles de cette femme au caractère bien trempé lorsque celle-ci lui dresse le récit des premières années de sa vie, entre crises de larmes et de colère. L’histoire d’une vendeuse de fruits et légumes exclue par sa famille en raison de cette enfant, Marie, conçue hors mariage. Et qui, un jour de 1989, se laisse « amadouer » à son stand par une certaine Danielle Boudault, correspondante de l’organisme d’adoption Rayon de soleil au Mali jusqu’en 1991.
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