L’inauguration par Emmanuel Macron, le 22 septembre, du premier parc éolien offshore français (480 MW), situé à 12 km au large du Croisic et de La Baule, en Loire-Atlantique, marque un tournant. Pour la première fois de son histoire, la France va produire en grande quantité de l’électricité dans un environnement marin – précisons néanmoins que l’usine marémotrice de la Rance, en Ille-et-Vilaine, a été mise en service en 1966. A la suite des appels d’offres lancés depuis 2011, d’autres parcs sont en cours de construction, pour un total de 3,6 GW attribués. Un objectif ambitieux de 50 parcs offshore d’ici à 2050 a été annoncé par le président de la République à Belfort, le 10 février. Dans le contexte de crise systémique des « 3E » (environnement, énergie et économie), aggravée aujourd’hui par la guerre russo-ukrainienne, l’éolien offshore semble un atout certain pour répondre dès maintenant aux objectifs de l’Accord de Paris et aux dernières recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. La mer et l’énergie sont historiquement deux domaines où s’exprime la puissance régalienne. L’éolien offshore permet ainsi à l’Etat de poursuivre et réinventer sa techno-politique sous le prisme de la transition écologique.
Déporté en mer, l’éolien offshore se présente ainsi comme une solution aux problèmes très médiatisés de l’éolien terrestre, notamment paysagers et patrimoniaux. A défaut de pouvoir (et de vouloir) construire collectivement un paysage énergétique terrestre basé sur les énergies renouvelables, nous préférons déplacer en mer, imaginé comme un monde de l’invisible et de l’inconnu, les nuisances engendrées par notre mode de vie consumériste et énergivore, que notre société n’est plus capable d’accepter sur terre. L’éolien offshore flottant, qui ouvre désormais la possibilité de mettre les turbines encore plus loin des côtes, s’inscrit dans cette poursuite de l’invisibilisation de la production d’énergie.
Le mythe de l’abondance
Mais viser le gigantisme technologique – les machines les plus modernes mesurent 290 mètres –, à l’image de ces allégories de la mondialisation que sont les méga paquebots et les super porte-conteneurs, permet aussi de perpétuer le mythe de l’abondance énergétique. L’éolien flottant ouvre la voie à une production électrique quasi illimitée : à l’échelle mondiale, 80 % des ressources éoliennes offshore se trouvent dans des mers de plus de 60 mètres de profondeur, ce qui incite à l’utilisation d’éoliennes flottantes. Une échelle nécessaire à la production en grande quantité d’hydrogène vert, présenté lui aussi comme le nouvel eldorado à conquérir.
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